Vecteur Magazine

OPETH - The Last Will & Testament

Chronique par Jérémie BENNARD

Photo : Terhi Ylimäinen

Après cinq longues années d’attente, Opeth revient en 2024 avec un quatorzième album à la fois ambitieux et surprenant : The Last Will and Testament. Cet opus, qui marque le premier retour d’Opeth dans le domaine du concept album depuis Still Life en 1999, s’impose comme une œuvre complexe et riche. Mettant en lumière les confessions d’un vieil homme et les révélations de son testament dans le contexte de l’après Première Guerre mondiale, il invite l’auditeur à découvrir de lourds secrets de famille, présentés à travers sept paragraphes, chacun portant une section musicale distincte.

L’album a été écrit par Mikael Åkerfeldt (compositeur, chanteur et guitariste), avec des textes signés par Klara Rönnqvist Fors (The Heard, ex-Crucified Barbara). Un élément notable de ce disque est la participation d’artistes légendaires tels qu’Ian Anderson de Jethro Tull, qui joue de la flûte et sert de narrateur sur plusieurs morceaux. Ce projet voit aussi la contribution de Joey Tempest (Europe), qui rejoint Åkerfeldt sur les chœurs et le chant sur §2, tandis que Mirjam Åkerfeldt, la fille de Mikael, prête sa voix à une piste de manière très émotive et originale..


Un Retour aux Racines et une Évolution Musicale

Le grand retour d’Opeth aux racines du death metal progressif est l’un des aspects les plus remarquables de The Last Will and Testament. Bien que l’album soit ancré dans les bases du rock progressif qui a marqué la dernière décennie d’Opeth (notamment In Cauda Venenum), on retrouve dans cet opus un savant mélange de death metal des origines, en particulier à travers l’apparition du chant guttural de Mikael Åkerfeldt. Un retour bienvenu pour les fans de la période Ghost Reveries (2005) et Watershed (2008), qui retrouveront avec plaisir ce style plus abrasif sur des morceaux comme §1 et §2.

Le §1 ouvre l’album en beauté, avec un morceau à la fois accessible et mystérieux. Ce morceau, le plus proche du format “single” de l’album, évoque un mélange d’atmosphère rétro, dominée par des synthés 70s, qui rappelle les ambiances sombres du précédent In Cauda Venenum. Mais ce qui frappe, c’est le retour du chant guttural de Mikael, qui apporte une dimension plus lourde et intense, un contraste saisissant avec la douceur de la musique. Le passage où la voix de sa fille, Mirjam, vient clôturer le morceau, est une touche particulièrement émotive et inédite, qui renforce la singularité de l’album.

Sur §2, Opeth joue une fois de plus avec les contrastes, en enchaînant des riffs death metal très lourds avec des parties plus rock progressif à la Pink Floyd. Ce morceau démarre sur une note agressive et brutale, avant de se transformer en une mélodie plus calme et mélancolique, portée par une guitare acoustique, une expérience musicale qui capture toute la créativité d’Opeth.

L’album fait preuve d’une incroyable diversité musicale, piochant dans une multitude de genres sans jamais perdre de sa cohérence. La richesse de cet album réside dans sa capacité à intégrer des éléments de rock des années 70, de death metal, de folk et même de musique orientale, tout en restant fidèle à l’esprit progressif du groupe.

§5 est peut-être le meilleur exemple de cette richesse. Avec un riff de guitare acoustique qui fait penser à la musique orientale, ce morceau se transforme progressivement en un tourbillon de styles musicaux, où des violons ajoutent une texture exotique et envoûtante. Le morceau évolue avec des rythmes jazzy, avant de se propulser vers une intensité death metal saisissante, illustrant parfaitement la capacité d’Opeth à naviguer entre les styles avec une fluidité remarquable.

L’introduction de §6, avec son orgue Hammond rétro, rappelle l’époque du rock progressif des années 70, et plus particulièrement des groupes comme Deep Purple, un clin d’œil à une influence marquante pour Mikael Åkerfeldt. Cette utilisation d’instruments vintage, combinée avec des touches de jazz fusion et de rock, renforce la dimension éclectique de l’album, tout en conservant une certaine unité dans son écriture.

Un des ajouts les plus intéressants de cet album est l’arrivée de Waltteri Väyrynen à la batterie. Le remplaçant de Martin Axenrot, qui avait quitté le groupe en 2021, apporte une nouvelle énergie à la formation. Son jeu est un véritable atout sur cet album, avec des rythmes variés et des changements de tempo surprenants qui apportent une dynamique nouvelle à la musique d’Opeth. Que ce soit dans les passages plus calmes ou lors des moments plus nerveux où la double pédale entre en jeu, la batterie de Väyrynen soutient parfaitement les compositions et ajoute une dimension supplémentaire à l’ensemble du disque.

L’album se termine sur une note émotive avec A Story Never Told, une ballade mélancolique qui rappelle l’approche de Pink Floyd dans sa manière de jouer sur l’émotion et la lenteur. Ce morceau, qui fait écho aux derniers instants de l’album, est une magnifique conclusion à cette aventure sonore, avec un solo de guitare qui semble s’étirer éternellement, à la manière de David Gilmour. Une fin paisible et classe pour un album intense et varié.

Conclusion

Avec The Last Will and Testament, Opeth signe un album qui se hisse facilement dans le top de sa discographie. Peut-être l’un de leurs meilleurs depuis Watershed en 2008, cet album mélange avec brio toutes les influences du groupe, tout en restant frais, original et totalement cohérent. Un disque que l’on prend plaisir à redécouvrir encore et encore.

Les fans pourront bientôt découvrir cet album sur scène, lors de la tournée européenne du groupe, qui s’arrêtera en France pour une date unique à l’Olympia de Paris le 21 février 2025, avec Grand Magus en première partie.



PLUS D'INFORMATIONS



Artiste : OPETH

Album : The Last Will And Testament

Label : Reigning Phoenix Music

Date de sortie : 22 novembre 2024