26.10.2024
Par Christophe Pinheiro
Photos : Bertrand Bechard
Étant de Brest et KO KO MO de Nantes, c’est tout naturellement que nous nous sommes retrouvés sur Paris pour parler de ce nouvel album “Striped’. C’est donc face à K20 et Warren que je me suis confortablement installé pour un échange sous le signe de la bonne humeur et pour mettre en lumière ce quatrième opus rayé de noir et de blanc…
Votre quatrième album, « Striped » sort le 25 octobre prochain. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
K20 : Excités.
Warren : On n’en peux plus, on a hâte de le jouer. (Rires)
K20 : On a hâte de le jouer, que tout le monde l’écoute. Et aussi que tout le monde découvre l’objet qui est assez chouette. Ce gros travail de Marie PIRIOU, de Warren, de toute l’équipe, de PIAS également. On est contents de cet album, alors, autant que les autres, mais il arrive à un bon moment de notre vie et c’est chouette.
Comment avez-vous travaillé sur cet album ? Je sais que pour le précédent, vous aviez bénéficié de plus de temps à cause du Covid. Vous avez pris votre temps pour celui-ci ?
Warren : Là, on a eu la chance d’aller dans un studio où on n’était jamais allés, qui s’appelle WM Studio, du côté de Saint Brieuc qui est magique, car au niveau de l’architecture, il casse totalement les codes des studios classiques. Tu dors à côté du piano à queue sur la mezzanine, en regardant en bas, tu vois la batterie, le parc micro. Tu es tout le temps à l’intérieur. On a été accueillis par Wilfried (LASBLEIZ) et Melinda (DURAND) qui ont mis dix ans pour créer cet endroit dingue. On se retrouvait tous les soirs pour des orgies de bouffe monumentales (rires), c’était super.
K20 : Mais on a un peu bossé quand-même. (Rires)
Warren : Oui, c’était des bonnes journées. Et puis c’est une aventure à quatre…
K20 : Oui, c’est ça. On est deux musiciens, mais on était avec Yohann et Loris et on a fait l’album à quatre.
Warren : Yohann (GOULAIS) et Loris (MARZOTTO) sont techniciens avec nous sur la tournée. Loris a mixé cet album mais aussi le précédent album « Need Some Mo’ » et c’est lui qui nous mixe en live. Et avec Yohann, qui est aussi avec nous sur la tournée, c’était plus facile de travailler à quatre, ça apportait plus de démocratie. Et c’était ça l’idée de cet album, pousser plus loin et ne pas avoir à faire de compromis.
Et ce sont des morceaux que vous avez composés comment ?
Warren : C’est des morceaux qu’on a composé sur une année et ensuite, on les a peaufinés ensemble.
Je trouve que cet album sonne naturellement comme du KO KO MO, mais je sens que vous poussez plus loin dans l’expérimentation. C’est un choix de votre part ?
Warren : C’était un choix d’avoir des morceaux tranchés et d’aller au bout des choses. Après, l’esthétique, on n’a pas fait trop attention aux codes de savoir si c’est plus vintage ou autre.
K20 : Mais c’est exactement ça. On n’a pas le même son de batterie ou de guitare sur chaque morceau. Il y a un changement de stratégie musicale et d’expérience musicale qui fait que c’est beaucoup plus éclectique.
Le premier single de cet album est le titre « Zebra ». C’est d’ailleurs la thématique de l’album en termes d’image. Quelle est l’interprétation des paroles de ce titre ?
Warren : C’est métaphorique. Je trouvais que le jeu du zèbre qui est traqué par les lions en troupeau est une métaphore assez symbolique. Le jeu de dupe entre les faibles et les puissants.
Un mot sur l’artwork, qui est l’œuvre de Marie PIRIOU, il me semble, Warren…
K20 : Ils se connaissent bien. (Rires)
…ce travail est fait avec une photo de Bertrand BECHARD, un photographe Nantais. C’est une volonté de travailler avec des gens proches de votre entourage ?
K20 : On est très famille en effet. Bon si Marie faisait du mauvais taff, on ne bosserait plus avec elle (rires), mais elle bosse tellement bien, elle connaît tellement bien l’univers de Warren et de K20 et de KO KO MO pour le coup. Et on bosse avec elle depuis le début. D’ailleurs, c’est la première à dire : si vous voulez partir sur autre chose, partez sur autre chose. Mais oui, on part sur d’autres choses, mais avec elle. Et Bertrand, c’est une rencontre avec Marie, je crois.
Warren : En fait, ils ont un pote en commun avec qui ils ont travaillé. Bertrand étant photographe, ils ont bossé un peu dans la pub. Et on le suivait sur Instagram et je ne savais même pas qu’il était Nantais. J’adore ses photos et il est vraiment spécialisé dans le noir et blanc. Ce qui est excitant, c’est qu’il n’avait jamais shooté pour un groupe de rock. Et en plus, sa fille adorait KO KO MO, donc il était motivé. On a passé un super moment ensemble, on s’est bien marrés.
K20 : D’ailleurs sur la photo de base, Marie avait commencé à faire la direction artistique. On était partis sur une autre photo. Et en commençant à faire des shootings avec lui pour différentes choses, on s’est retrouvés avec cette photo là, qui n’est pas trafiquée du tout. C’est nos deux corps, positionnés d’une certaine manière. Et ça fini en pochette.
Avez-vous fait appel à des musiciens additionnels pour cet album ? J’entend de la basse, du piano et ce que j’imagine être un orgue…
Warren : Sur quel morceau ?
Sur « The Fool »
Warren : Sur « The Fool », oui, c’est un Philicorda. C’est un vieil orgue qu’ils avaient créé pour apprendre dans les écoles. Qui sonne comme un Farfisa.
…et de la sitar.
Warren : Alors, c’est pas une vraie sitar, c’est ce qu’ils appellent un « baby-sitar » (rires), qui se joue comme une guitare, à six cordes, en électrique. C’est juste le bridge de la guitare qui crée une résonance qui rappelle le son de la sitar. En fait, tu pourrais le mettre sur n’importe quelle guitare, tu aurais le même son, je pense. C’est un instrument qu’ils avaient instauré dans les studios, dans les années 60. Ils avaient des musiciens de studios qui ne jouaient pas de sitar, donc ils ont créé cet instrument qu’on trouve sur certaines B.O. du genre Ennio MORRICONE.
Un mot sur le titre « Don’t Let Me Go », qui sonne très électro. C’est surprenant, mais très réussi.
K20 : On fait toujours un peu d’électro dans KO KO MO, que ce soit en live ou sur album. Mais celui-là est plus prononcé. On n’a pas hésité à mettre les machines en avant. Et c’est un truc qu’on va assumer en live. C’est des nappes, des claviers… Mais c’est un très chouette morceau, je suis d’accord avec toi.
Warren : Ce qui est cool, c’est qu’on bosse sur des logiciels qui font un son un peu « pouet-pouet », mais ça marche pour la maquette. Mais Loris, qui a une formation de piano et passionné par les synthés modulaires; on a bien pu naviguer sur les sons qu’on avait envie d’avoir.
Et comment allez-vous travailler tous ces sons à deux sur scène, tous ces instruments ?
(Rires)
K20 : Disons que ça sélectionne les morceaux qu’on ne jouera pas sur scène. Car ils sont trop arrangés pour le live. Mais on s’en sort quand même. On fera une bonne partie de l’album « Striped » sur scène. On a l’habitude de travailler ensemble. On sait ce qui fonctionne entre nous. Et on essaye de découvrir ce qui peut fonctionner encore plus. Et puis, effectivement, on n’a que deux mains chacun. On y arrive.
J’ai un énorme coup de coeur pour le titre « Wheels Of Fire ». Je veux tout savoir sur ce titre.
Warren : C’est un morceau qui est né après l’accident qu’on a eu avec le tour bus, l’été dernier. Il avait pris feu et on avait perdu beaucoup de choses. Mais déjà, on s’en est sortis vivants. D’abord, c’est le texte qui est sorti, comme s’il nous fallait faire une thérapie. Et puis ça en est devenu une chanson.
K20 : On a un morceau qui s’appelle « Non Essential Man » sur l’album « Need Some Mo’ », qui est un peu dans la même veine avec un tempo lent. Un exercice qu’on n’avait jamais fait avant « Need Some Mo’ », quelque chose de bien « dark ». Et on va dire que celui-ci va remplacer celui-là. Et lorsque j’ai entendu ce titre que Warren avait fait lors des pré-prod, je savais qu’il allait se passer un truc avec ce morceau. J’ai modifié quelques trucs à la batterie, qui font que ça apporte une différence de la batterie classique. Et puis, c’est un morceau fort. Je pense qu’on va avoir des frissons sur scène, pour différentes raisons. D’une pour l’histoire et aussi de jouer quelque chose comme ça sur scène, lent, lourd. Il y aura quelque chose qui se passera dans notre corps. J’ai vraiment hâte de le faire.
En effet, on sent que ça vient des tripes et j’ai hâte de le voir sur scène.
K20 : C’est toutes les émotions qu’on a eu ce jour-là.
On entend souvent les groupes dire qu’un morceau part d’un riff de guitare. C’est le cas pour vous ? Ou est-ce que ça vous arrive qu’un morceau naisse d’une rythmique que tu aurais en tête, K20 ?
K20 : C’est Warren qui a composé l’album.
Warren : Moi je compose avec un truc qui fait des parties de batterie très basique. Et heureusement que K20 est là pour sublimer ces parties. Mais c’est vrai que les parties harmoniques, les textes et les mélodies viennent de moi. Mais encore une fois, cet album, c’est une aventure à quatre. Et il ne ressemblerait pas à ça, s’il n’y avait pas eu cette aventure-là. Mais il n’y a pas de règle, des fois ça part d’un texte, d’un riff de guitare ou d’une suite d’accords. Ou un parfum. (Rires)
Vous étiez en résidence à St Brieuc pour préparer la prochaine tournée. Je voulais vous demander si vous étiez prêts, mais visiblement, non ! (Rires)
À quoi doit-on se préparer pour vos futurs concerts ? Des musiciens pour vous accompagner ou juste vous deux ?
K20 : Il y a un thème de noir et blanc, donc on va le mettre en fonction sur scène. On ne va pas se mettre en bleu et jaune par exemple. Il y a un concept qui est là. Il y a des nouveautés musicales, des choses qu’on n’a jamais osé faire avant et qu’on va faire aujourd’hui. Et puis des expérimentations.
Warren : Disons que le spectacle va grossir un peu.
K20 : Mais ça restera toujours du KO KO MO.
D’autres dates à venir ?
K20 : Oui ça va repartir en février, normalement. Et si tout se passe bien, ça ira jusqu’en août.
« Bottle For Two », si je vous dit que je pense tout le temps aux BEATLES lorsque je l’écoute, je suis dans le vrai ?
Warren : Alors, c’est marrant, parce que déjà, on est honorés. Tu es le troisième de la journée à nous le dire. C’est pas voulu, mais quand au bout d’un an, tu te bouffe en boucle le reportage de « Get Back » et que tu écoutes tous les albums solo de Paul McCARTNEY, ça conditionne un peu. Donc, si ça fait penser à ça, c’est trop cool. Parce que c’est quand même « The Padre » de la mélodie.
Dans quelles conditions, recommandez-vous l’écoute de votre album ?
K20 : Déjà, avec une platine vinyle, c’est encore mieux. Tu retournes la face A pour passer sur la face B. Parce qu’on aime bien écouter de la musique forte. En studio, on a la chance d’avoir Loris qui est un jeune mixeur et qu’il aime bien écouter fort. Mais que ce soit en CD ou en vinyle, l’écouter de A à Z. D’écouter de la première à la fin, car l’histoire a été écrite comme ça, par rapport aux paroles de Warren. Je trouve que c’est chouette d’écouter un album de A à Z. Alors, évidemment, tu peux avoir un morceau que tu aimes moins. Donc tu passes à l’autre. Ou sinon, tu fais une playlist, qu’avec les indispensables de KO KO MO. (Rires)
Je l’écoute comme ça en effet. Bon, des fois, je reviens sur « Wheels Of Fire ».
(Rires)
K20 : Et puis, quarante minutes, on trouve que c’est un bon format. Une heure et quart, on trouve que c’est trop long. Là, tu arrives à la fin, t’as envie de remettre le disque au début.
Un album culte, votre album culte ?
Warren : Il y en a trop.
K20 : Moi j’en ai en culte, mais j’ai le culte du batteur que je kiffe ou alors de l’album qui a fait du bien dans ma vie, c’est différent. Je te dirai que j’en ai écouté pleins avant, mais l’album de Thom YORKE, « The Eraser », il m’a donné une bonne claque. C’est le seul album où je me suis dis que j’aurais aimé que ce soit moi qui ai fait ça.
Warren : Moi, ça ne va pas être super original, mais j’avoue que je ne peux pas m’empêcher de verser une petite larme en écoutant « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band ». Je me dis : comment ils ont fait avec le matos de l’époque et comment ils ont compris autant de trucs. J’hésite entre celui-là et « The Wall », deux concept-album. Cet album, je sais que je suis obligé de l’écouter en entier, j’en ai pour une heure et quart. (Rires)
K20 : Et le tiens ?
Le mien ? Euh…
K20 : Allez !
Moi, ce sera du metal, mon groupe préféré, donc « Burn My Eyes » de MACHINE HEAD…
Nous échangeons pendant quelques minutes sur ma passion pour ce groupe et sur mes périples pour les voir sur scène un peu partout en Europe. Je retiendrai ces mots très justes de K20 « Si tu fais autant de kilomètres pour voir ton groupe préféré, peut-être que tu fera quelques kilomètres pour venir nous voir à l’Olympia de Paris, le 7 décembre prochain ».
Sans aucune garantie, je vais essayer de m’y rendre. À mon tour de vous inciter à aller voir ce groupe aussi sympathique que talentueux sur scène. N’hésitez pas à jeter un œil aux dates de leur tournée. Peut-être qu’ils ne passent pas très loin de chez vous…
Pour ce quatrième album, KO KO MO revient nous offrir un disque catchy aux refrains accrocheurs et aux mélodies imparables. Toute la recette qui fait le succès du groupe est respectée, mais on sent que le duo tente d’explorer de nouveaux horizons. Même si la plupart des titres sont assurément taillés pour des passages sur la bande FM, on retrouve des morceaux plus épiques tels que « Wheels Of Fire », « Don’t Let Me Go » ou encore « Dancing Alone ». Des prises de risques contrôlées et assurées avec brio. Avec « Striped », KO KO MO nous délivre là, un album dont 100% des titres sauront mettre le feu sur scène. Un mélange de modernité qui se marie parfaitement au côté « old school » du duo. 12 morceaux pour 43 minutes qu’on ne voit absolument pas passer. Ce « Striped » se consomme sans modération, alors ruez-vous chez votre disquaire favori pour acheter ce que je juge être le meilleur album de la discographie du groupe. Et si votre équipement le permet, optez pour la version vinyle qui vous offrira la possibilité de savourer ce très bel album avec une qualité qui bonifiera chaque titre de ce nouvel opus.