Vecteur Magazine

VOICE OF RUIN

21.11.2023

Par Christophe Pinheiro

À quelques jours de la sortie de « Cold Epiphany », quatrième album du groupe Suisse, VOICE OF RUIN, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Randy Schaller (vocals)

Retour sur la composition de cet album décrit comme un retour aux sources. Une musique violente à l’esthétisme soigné. La Suisse regorge de talents et VOICE OF RUIN en fait clairement parti. Pour notre plus grand bonheur.

Première interview pour Vecteur, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Oui, moi c’est Randy, je suis le chanteur et membre fondateur de VOICE OF RUIN.

Ce nouvel album, le quatrième, « Cold Epiphany » sort le 1er décembre, soit un peu plus de quatre ans après son prédécesseur « Acheron ». Comment s’est déroulée la phase de composition et d’enregistrement ?

Alors, la phase de composition, c’est la première fois qu’on fait ça comme ça. Mais on a vraiment pris notre temps. On a sorti « Acheron » fin 2019. On avait pas mal de concerts prévus, on en a d’ailleurs fait une partie, puis après il y a eu la COVID. Donc à partir de là, on a tout mis en pause. Et on a vu que ça allait durer plus longtemps que prévu, ça nous a complètement déprimés dans le sens où on avait placé beaucoup d’espoirs sur ce troisième album. D’autant plus qu’on avait fait les choses, à notre avis, comme il le fallait. On était parti en Suède pour l’enregistrer, on avait fait de super clips… Et on avait déjà l’album d’avant qui avait bien préparé le terrain. Quand tout ça est arrivé, ça nous a mis le moral au plus bas. On s’est contactés courant 2020, en se disant que ce qu’on avait préparé pour « Acheron » était foutu, car promouvoir un album, un an, voire un an et demi plus tard, n’avait pas réellement de sens. Et tout le monde était partant pour une nouvelle session de composition. Nicolas, notre guitariste, a composé deux, trois morceaux, qu’il nous a envoyés. À partir de là, on a tous pris une petite semaine ensemble pour composer ces deux, trois premiers titres, qui ont servi de base pour la composition de cet album. On a ensuite continué le processus à distance. Après, on se voyait une fois par semaine et on triait, on choisissait, on modifiait et on enregistrait. On a beaucoup enregistré de démos. En tout, quarante pour cet album, pour ne garder que dix titres. Et à l’été 2022, on a décidé de mettre ces dix titres au propre et c’est Nicolas  qui s’est chargé de l’enregistrement et du mixage. On a fait masterisé ailleurs. Donc, tu vois, on a vraiment pris le temps. Et pour moi en tant que chanteur, c’est vraiment pas pareil quand tu pars à l’étranger et que tu as quatre jours pour enregistrer. Versus, tu fais 15 minutes de train pour aller au studio de ton pote et tu as quelques mois pour faire ça, deux fois par semaine, en deux heures à chaque fois, c’était royal. 

On peut donc dire que cet album est presque du 100% maison ?

Oui, clairement, et puis comme on a décidé de tout faire seul, on a également fait le choix de ne pas prendre de label pour cet album. Quitte à faire du 100% maison, on va jusqu’au bout, et pour la Suisse en tout cas, on passe directement par le distributeur. On sort notre propre musique, on choisit notre promo… C’est la première fois qu’on travaille de cette façon. Et pour l’instant, ça se passe bien. Reste à voir si on a les mêmes retombées.

J’adore le morceau « Cyanide Stone » avec Anna Murphy. Et ça tombe plutôt bien que je puisse en parler directement avec toi, car vos voix s’additionnent et se marient parfaitement. Comment avez-vous eu l’idée de cette collaboration ?

Alors ce titre est l’un des premiers que nous ayons composés. Lors de la première session, on avait loué une vieille maison reculée au fin fond de la Suisse, au bord d’un lac. Et un soir, on avait un peu bu, et notre autre guitariste, Darryl, avait une idée de chant clair pour le refrain et il a fait un truc super cool. On trouvait que ça marchait super bien. Mais on s’est demandé si on allait intégrer du chant clair sur d’autres morceaux. On trouvait qu’il n’y avait pas forcément de place et on voulait garder un côté violent tout de même. Puis on trouvait qu’en plus de jouer de la guitare, ce serait sûrement compliqué pour Darryl d’assumer du chant clair en live. Et puis pour un ou deux morceaux, c’est beaucoup d’organisation. Mais on trouvait quand même l’idée du chant clair sur ce titre intéressante. J’avais l’idée d’une voix féminine, les autres étaient assez d’accord avec moi. À partir de là, on a posé trois noms de personnes qu’on connaissait de près ou de loin. On voulait que ce soit quelqu’un en Suisse. Et après avoir discuté avec ces trois personnes, on a opté pour Anna Murphy qui a une voix très aérienne et qui va très bien avec ce passage.

 

 

Je n’ai pas encore eu l’honneur de voir plus que l’artwork de la pochette, que je trouve magnifique. Elle est l’œuvre de Travis Smith. Peux-tu nous en dire plus ?

Oui, c’est Travis qui avait déjà réalisé la pochette de notre album « Purge And Purify ». Et comme cet album, c’est pour nous un retour aux sources, à une musique plus violente, là où « Acheron » était plus mélodique, on ne s’est pas posé de question. On voulait quelque chose d’hyper agressif. Et comme c’est un retour aux sources, on s’est dit que ce serait cool de le refaire avec Travis Smith. Alors on lui a écrit, il s’en souvenait, et comme il avait pris plaisir à travailler sur cet album, il a accepté. Comme pour la dernière fois, on lui a laissé carte blanche. On lui a envoyé les textes et les morceaux, et il nous a proposé un premier croquis qui était super cool. Au fur et à mesure, il a ajouté des choses, on est hyper contents du résultat. Il arrive très bien à représenter la musique par le dessin, je trouve. 

J’ai regardé la vidéo de votre titre « Bloody Salvation » et comme pour l’artwork de l’album, on le voit au travers de vos clips, vous semblez attacher beaucoup d’importance au visuel. C’est important pour vous ?

Oui, tout à fait. Au niveau des textes, je m’inspire beaucoup du cinéma d’horreur, et on trouve important que les vidéos représentent bien les textes. On a travaillé cette fois-ci avec un réalisateur qu’on connaît, mais avec qui nous n’avions jamais travaillé auparavant. Il est plus issu du cinéma que de la musique. Et on lui a donné le mandat de s’occuper des trois vidéos qu’on a sorties, afin qu’elles aient une esthétique similaire. Étant un grand fan de films d’horreur lui aussi, il a immédiatement été emballé. Donc il nous a proposé des scénarios, il a repéré des lieux, et on a ajusté avec lui sur la partie organisation. Et c’est toujours super lorsque tu fais de la musique, de travailler avec quelqu’un, que ce soit pour les vidéos ou pour l’artwork, qui arrive à retranscrire ta musique comme tu l’imaginais.

 

 

Votre musique est souvent qualifiée comme tantôt, du Death Métal, du Thrash, du MétalCore voir Groove Métal. Pour ma part, dans cet album, j’aime le mélange de sonorités un peu plus « old school », à un son résolument plus moderne. Cela est sûrement dû à l’excellente production. Est-ce que vous avez la volonté d’aller plus vers un genre en particulier ?

Alors, pour être franc, c’est un peu ce qu’on cherchait à une époque. On se cherchait un genre, mais on n’a jamais vraiment réussi, car on a trop d’influences variées. Et pour cet album, on ne s’est pas posé de questions. Et je pense que c’est le vrai style VOICE OF RUIN. C’est un peu plus posé que sur les albums précédents, il y a moins de parties Thrash. Mais on garde ce côté plus mélodique. Il est vrai que ça peut être à notre désavantage de ne pas être mis dans une case. Ça nous fait plaisir de voir qu’il y a un public qui remarque que c’est varié et que ça peut plaire à un autre type de public. En tout cas, on arrête de se poser des questions sur un style ou un autre.

J’ai la sensation d’entendre parfois un son assez proche de ce qui se fait beaucoup dans la scène suédoise.

Oui, ce côté froid, c’est l’effet montagnes suisses. (rires)

J’imagine que vous avez hâte d’aller défendre cet album sur scène. Il y a des choses qui se préparent ?

Oui, justement, on est en train de travailler là-dessus. On a mis toute notre énergie dans les clips, la promo… On termine la promo, la semaine prochaine. J’ai déjà commencé à travailler sur le booking, et puis il y a déjà des festivals prévus pour l’été prochain, ainsi que deux, trois dates en Suisse pour l’année prochaine. Et je travaille pour une tournée en France pour le mois de mai.

On a hâte de vous voir.

Mon morceau préféré sur cet album est « Cold Epiphany ». Comment avez-vous composé ce morceau ?

Alors, celui-là, on l’a composé en même temps que celui que tu aimes aussi « Cyanide Stone »

Vous étiez, visiblement très inspirés à ce moment là !

A fond. C’est un titre qu’on a composé sans se poser de questions. On n’a pas apporté de modifications plusieurs fois, ils sont sortis comme ça. Et avec ce titre, « Cold Epiphany », ce qui est cool, c’est que c’est le nom de travail de ce morceau. Car on donne toujours un nom de travail à nos morceaux. Lorsque j’ai commencé à travailler sur le texte, j’ai fait plus de recherches sur le mot « Epiphany », car on connaît ce mot sous l’aspect religieux. Et je suis allé voir s’il y avait d’autres sens, et il s’avère qu’une « Epiphany » est une apparition avant la mort, et ça m’a pas mal inspiré pour ce texte. Je me suis mis dans la peau d’une vieille personne assise sur son canapé et qui retrace sa vie car elle voit la mort apparaître.

Justement, dans tes textes, tu t’inspires beaucoup du cinéma. De la lecture aussi ?

En fait, je ne lis pas du tout. Mais je m’inspire beaucoup du cinéma, oui. De la vie de tous les jours aussi. J’aime beaucoup me mettre dans la tête ou la peau d’autres personnes et voir ce que tu peux vivre dans telle situation à tel moment. Par exemple le cas de la réaction d’une personne accro aux drogues face au jugement des autres. 

Et dans ces phases de composition, comment fonctionnez-vous ? Tu as besoin de la musique des autres membres pour coller tes textes, ou le contraire ?

Alors, moi j’aime toujours avoir la musique, car c’est ça qui m’inspire. Lorsque j’écoute une musique pour la première fois, il y a une émotion qui en sort. Et de cette émotion, sort un thème. Ensuite, je prends le temps d’écrire le texte. C’est très important pour moi, les deux, trois premières écoutes, car c’est là où je vais capter quelque chose. Je vais noter des thèmes ou des mots clés qui vont me permettre d’écrire la chanson.

Vous arrive-t-il d’imaginer dans quelles conditions l’auditeur va écouter la musique que vous composez ? Est-ce à fond dans un casque ou lors d’une balade…? Ou pourriez-vous tout simplement nous conseiller ?

Ah, c’est une très bonne question. Je n’y ai jamais pensé, mais en effet, ça peut être cool lors d’une balade en forêt en début de tombée de la nuit. Ouais, ça peut être assez cool. (rires)

Je tenterai l’expérience.

J’aimerais revenir sur la collaboration sur cet album. On peut voir que beaucoup de groupes tentent de plus en plus le jeu des collaborations sur leurs albums. C’est quelque chose où on vous verra un peu plus dans le futur ? 

Honnêtement, on voulait faire plus de featuring sur cet album. Mais une fois enregistré on ne voyait pas trop où on pouvait caser des gens. Par contre, maintenant que tout est fait maison pour cet album, qu’on a trouvé le son qu’on veut faire nous-même, il y a de fortes chances qu’on sorte plus régulièrement des titres et il y a aussi des chances pour qu’il y ai plus de featuring. C’est une volonté, mais il faut aussi voir la viabilité du projet.

Et s’il y avait un artiste avec qui tu aimerais collaborer, ce serait qui ?

(rires) Je ne suis pas quelqu’un qui a des rêves par rapport à ça. Après, avoir des « méga stars » comme Jonathan Davis, ce serait hyper cool ! Mais malheureusement, ce n’est pas accessible. Il m’arrive de me dire, en écoutant un morceau, qu’ untel ou untel pourrait coller dessus. Notamment pour un titre de cet album, on avait hésité à demander au chanteur de SOILWORK, car je trouve super ce qu’il fait en voix claire. 

Et sur tous les morceaux qu’il vous reste de ces sessions de composition, toutes les démos, il y a des choses qui sortiront bientôt ?

Non, si on ne les a pas gardés pour l’album, c’est qu’on ne les trouvait pas assez bien. On trouve que ça n’a pas de sens de les sortir. Après, ce n’est pas exclu qu’en retombant sur un titre, on trouve un passage bien et qu’on travaille dessus, mais il y a peu de chance.

Sur le mastering de l’album avec Mike Kalajian, vous avez travaillé à distance ?

Oui, exactement : Nicolas, qui a tout enregistré et mixé, lui a tout envoyé. C’est lui qui a communiqué avec Mike. C’était assez simple, car Mike a très bien compris ce qu’on voulait, et la première version était la bonne. Pour cet album, beaucoup de choses se sont faites toutes seules, c’est très agréable.

Pour clore cette interview, un petit mot pour les lecteurs de Vecteur ?

On espère que cet album vous plaira. Si vous ne nous connaissez pas, regardez peut-être nos clips, d’abord, pour avoir le visuel en même temps. C’est un album qu’on vous conseille d’écouter d’une traite. Chaque titre raconte quelque chose, donne son petit effet, mais si vous prenez le temps de l’écouter dans l’ordre, c’est une chose à faire. Et n’hésitez pas à nous écrire, on est toujours dispo pour discuter et toujours curieux de connaître l’avis des gens, alors n’hésitez pas.