Par Christophe Pinheiro
Photos : Pauline Lévêque
TSAR est un quintette Nantais qui développe une musique toute aussi intéressante que l’univers du groupe. Kyrian, vocaliste du combo a laissé derrière lui son habit du “baron” pour me parler de cet Acte 2, de son histoire et du développement de l’univers de TSAR.
Est-ce que tu peux te présenter et présenter aussi les membres du groupe TSAR ?
Bien moi c’est Kyrian (LIBERGE) je suis le chanteur de TSAR depuis 2018. Nous sommes cinq et on a un batteur qui s’appelle Thomas (BELOUIN), un bassiste qui s’appelle Jules (CHAUCHET) et deux guitaristes, un lead qui s’appelle Rodin (GUEHENEUX) et un guitariste rythmique qui s’appelle Romain (PAYEN).
Acte 2, votre deuxième album sortira le 25 octobre, dans quel état d’esprit êtes-vous à l’approche de la sortie de cet album ?
On a super hâte que ça sorte. On a pas mal travaillé, alors c’est un euphémisme de dire ça mais on a beaucoup travaillé pour qu’on soit fiers de ce nouvel album. Surtout qu’on a réussi à garder pas mal de morceaux secrets. Là, ça fait le deuxième concert qu’on fait avec les nouveaux morceaux. Parce que pour la petite histoire on a fait notre release party, au Ferrailleur, le 6 septembre. C’était la première fois qu’on jouait le nouvel album avec la scénographie qu’on a apportée. On a fait un autre concert au Freestone, c’était le week-end dernier. Du coup ça sort officiellement sur les plateformes de streaming le 25 octobre. On a hâte que les gens puissent l’écouter, on en est super fier. On est vraiment très très content de pouvoir le défendre sur scène.
Avant de parler de cet album, j’aimerais parler du groupe et de son univers. Déjà qui est le “baron” ? Je sais que c’est toi. Qui est ce personnage ? –
C’est le personnage que j’incarne. Parce que le délire du groupe tourne autour de cet antagoniste principal. Il est le “baron”, il n’a pas d’autre nom. Mais ça, c’est des choses qui peuvent éventuellement s’étoffer au fur et à mesure. Mais le baron, c’est qui ? C’est une sorte de représentation de ce que l’on pourrait appeler le pouvoir et centré sur les hommes qui sont un petit peu obsédés par ça. Ce personnage là, il a une volonté de faire bien les choses, Il a envie de changer les choses. Et comme toute personne qui atteint les hautes sphères et au fur et à mesure, il se fait un petit peu happer par la corruption. Le pouvoir tout ça… En fait l’idée du personnage… j’avais envie de parler des choses de la société. Mais plutôt que de se retrouver du côté des oppressés, j’ai essayé de renverser un peu le truc et de me mettre dans la peau d’un personnage qui ferait plus ou moins partie de l’oppresseur. Et comment quelqu’un qui a de bonnes intentions de base, les transforment en intentions, peut-être mauvaises. Donc voilà, ça c’est le développement qu’on essaie d’avoir avec ce personnage. Et aussi du coup le groupe et ce qu’on raconte.
Alors autour du baron, il y a ses acolytes qui je suppose sont les membres du groupe. Les adeptes, c’est le public et vos concerts sont des cérémonies, c’est bien ça ?
(Rires) C’est ça. On essaie de développer une sorte de vocabulaire pour éviter de… Je trouve que ça fait rentrer plus facilement les gens dans un univers. Si par exemple, plutôt que d’appeler les gens, le public ou des concerts… essayer de changer un peu les mots. Foncièrement, ça ne change pas le fondement. C’est forcément le fait de la musique, les gens viennent soit dans un festival ou dans une salle de concerts. Mais le fait d’apporter une sorte d’ambiance et d’utiliser un vocabulaire particulier, de s’adresser à eux, d’une autre manière, on s’est rendu compte au fur et à mesure que ça faisait rentrer les gens dans le délire. Et c’est super plaisant à vivre.
Alors du coup, il y a un véritable côté théâtral dans l’image et le concept en général. J’imagine que dans le message également, quelle est la thématique de cet album ? C’est un concept album, parce que j’ai cru comprendre que l’acte 1 était un concept album. Là, vous repartez sur la même chose ?
En fait c’est une continuité dans le développement qu’on essaie d’avoir. On n’a pas forcément une vision hyper échelonnée et très précise de ce qu’on veut faire. Mais je sais que l’acte 1, pour reparler un petit peu du premier album, je suis arrivé en cours de route. Les gars avaient déjà fait la musique et la composition. Et moi je suis arrivé et j’ai fait ce qui était les voix et le texte. C’est là qu’on a commencé à se poser des questions sur ce qu’on avait envie de faire. Ce qu’on avait envie d’apporter de plus que la musique. Tout ce qui est de l’histoire liée à ce personnage que j’avais en tête… Et donc en fait l’acte 2, c’est un prolongement de l’acte 1. On parle d’acte aussi, c’est pareil, ça fait un peu flemmard de dire qu’on n’a pas trouvé de nom spécifique pour nommer les albums. Mais on voulait aussi se dire qu’on a envie de faire quelque chose de théâtral, de scénique. Donc parler d’actes, c’est aussi par rapport à un développement du personnage, comment il agit sur le premier album, le deuxième album, comment il est. Et voir aussi sur le troisième comment on peut faire évoluer les choses. Donc voilà, pour l’instant on parle là-dessus et ça nous plaît bien. Du coup le deuxième album est plus centré sur le personnage du baron que sur le premier.
Musicalement, vous êtes un peu catégorisé dans une sorte de fusion entre le métal progressif et le rock. Moi je ressens dans cet album, par rapport au premier, une véritable volonté d’offrir un son qui caractérise ce qui est de TSAR. Un mot là-dessus ?
C’est une bonne question parce qu’en fait c’est assez drôle parce qu’on a du mal à nous mettre dans des cases, nous-mêmes. Je parle de nous-mêmes en tant que groupe. On a cette notion de progression dans la musique, donc forcément un métal progressif. Je ne facilite pas les choses parce que je chante de pas mal de manières différentes, peut-être encore plus dans le deuxième album. Il y a des moments où je me mets à parler, il y a des moments peut-être un peu rapés, des moments quasi lyriques et d’autres moments aussi, scream, growl… C’est un panel qui est quand même relativement large, donc je pense que ça contribue aussi à cette fusion des choses. Et en fait ce qui est drôle, c’est qu’à chaque concert, il y a des gens qui viennent nous voir et qui nous disent « J’ai ressenti tel groupe, telle influence, il y a un côté FREAK KITCHEN, il y a un côté TOOL ». Des fois j’ai entendu des gens qui disent « il y a un côté METALLICA ». Les gens entendent des choses qui peuvent être vraies. Mais des fois il y a des gens qui sortent des références de groupes que je ne connais absolument pas. Et pourtant ce n’est pas forcément faux parce que les gens ont besoin de se retrouver aussi dans quelque chose qu’ils connaissent. Et donc, cherchent ses choses par-ci par là et font des comparaisons sur certains aspects. En tout cas, c’est toujours agréable que les gens viennent nous voir et nous sortent des références comme ça. C’est super cool.
Il y a deux morceaux que j’adore particulièrement sur cet album, le premier c’est « One for all » mais celui que j’adore principalement c’est « Guilty ». J’adore ce morceau dans sa structure, il y a un côté narration au départ, la fin du morceau est incroyable. J’aimerais savoir comment vous avez travaillé sur ce morceau ?
Pour celui-là, il est assez particulier parce que je pense que c’est l’un des seuls morceaux qu’on a fait le plus rapidement. C’est parti d’une répétition, je ne sais plus qui a lancé un riff, en général c’est les gars qui composent des choses dans leur coin. Mais là c’était en répète, j’avais envie de parler du baron qui a envie d’accuser le monde, les gens, et dire « regardez ce que vous faites ». En ne se mettant pas dans le panier, forcément, car il y en a quelqu’un au-dessus. Mais d’être quelqu’un d’accusateur et qui prend la responsabilité de juger l’humanité de tous ces péchés. Donc ça c’est dans le développement. Ce qui est assez drôle c’est que ce morceau-là on l’a fait très rapidement, avec le texte qui est venu très vite et on l’a testé en concert. C’est l’un des deux seuls morceaux qu’on a testé en concert. On a senti qu’il s’est passé un truc, parce qu’effectivement il y a ce côté un peu narration, je parle aux gens au début du morceau. Alors, je parle aux gens en français quand je m’adresse à eux. Là, c’est vraiment intégré dans la musique, donc je parle aux gens en anglais. Après ça commence et le morceau est très fluctuant, Il y a des moments très très violents et d’un seul coup très très calme, on a l’impression que ça y est, il pardonne. Mais non, là c’est justement le passage que aimes bien, je pense, c’est le moment où ça pète, c’est « No, you will pay for that ». Ce morceau-là est très très fort, En concert, les gens le prennent en pleine tronche.
Et justement toi, dans ce personnage du baron, parce que tu écris tous les paroles, quel est ta source d’inspiration pour ce personnage ?
Franchement, il n’y a qu’à regarder l’actualité, pour s’inspirer de gens complètement fous de pouvoir. Alors, il y en a eu beaucoup dans notre passé, donc il n’y a qu’à se retourner pour compter toutes les personnes qui ont pu faire des saloperies. Mais il n’y a pas besoin d’aller chercher très très loin, notamment actuellement. Donc après je ne dis pas que je m’inspire forcément que de choses négatives, je m’inspire aussi de moi, de ce dont j’ai envie de parler. C’est des questions que je me pose aussi, qu’on se pose ensemble en tant que groupe et qu’est-ce qu’on a envie de dire, de raconter. Mais ce qui est intéressant c’est de transformer ça en sorte d’histoire. On a un côté aussi intemporel, on n’essaie pas forcément de coller à une actualité en particulier. On ne nomme pas de personnalité par exemple, on est relativement vague. Mais c’est justement parce qu’il y a ce rapport à l’intemporalité, ça a toujours existé, malheureusement, et ça existera toujours. Donc, c’est notre façon de raconter des choses.
Un mot sur la production de l’album que je trouve vraiment bien. Vous avez travaillé avec qui ?
On a fait les deux albums avec Arthurus LAUTH, qui est ingé son à Brown Bear Recording, à côté de Nantes. Il a tout de suite accroché à l’univers qu’on voulait avoir, il a tout de suite compris. Il a apporté aussi énormément de choses sur l’équilibre du son, les guitares, la basse… Quand on travaille avec quelqu’un, c’est hyper important d’avoir un échange et on avait tout préparé, la musique, rien n’était lié au hasard. Il n’y avait pas de moment où on ne savait pas quoi faire. Mais il y a toujours ce petit truc, essayer de faire des prises en plus, je parle pour moi pour la voix, par exemple. J’avais tout préparé, je pensais être absolument prêt. Mais il y a toujours ce truc, celui d’aller chercher plus loin, à chercher plus d’intonation, qu’est-ce que le personnage a vraiment envie de dire, parce qu’il y a une manière de le chanter, une manière de le dire… Essayer de dire comment on peut vraiment l’habiter et interpréter. Donc toujours essayer d’aller plus loin, c’est ce que j’ai adoré faire avec Arthur et c’est ce qu’il fait super bien. Donc on est hyper heureux d’avoir pu bosser avec lui tout simplement, et on est hyper content du son aussi.
Que symbolise l’artwork de l’album, j’ai vu que c’était l’œuvre de Emma NICLOT. J’ai regardé un peu ce qu’elle fait, d’ailleurs sur INSTAGRAM elle a publié cet artwork. Vous vouliez quelque chose de précis avec l’artwork ?
Oui, pour cet artwork, on voulait mettre en avant le calice. C’est ce fameux calice que j’utilise sur scène pour boire. Pour le premier album, quand on jouait en concert, je faisais une cérémonie du calice, où j’allais dans le public et je trinquais avec les gens. Et ça a créé quelque chose d’intéressant de voir comment réagissent les gens, comment moi aussi j’allais interagir avec eux sans forcément parler. Donc on a voulu reprendre ce truc là, parce que ça apporte à l’union aussi, le côté convivial entre guillemets. Et avec l’artwork, c’est de la lithographie, c’est gravé sur la pierre et ça donne un aspect intemporel qu’on apprécie énormément. Et par exemple « One for all », qui justement reprend le dicton « Un pour tous, tous pour un », mais du côté antagoniste du baron, de ce que ça veut dire pour lui. Ça peut avoir une sorte de double sens, parce que c’est lui, tout seul. Et les autres c’est ni plus ni moins pour lui. Il y a un peu ce côté mégalomanie qui ressort, et justement malgré tout le bien qu’il a envie de faire, la nature reprend ses droits.
J’ai vu que vous aviez un festival à venir, il y a d’autres cérémonies qui sont prévues ?
Et bien pour le moment, il n’y a pas de cérémonie validée, on est encore en train de valider certaines dates. On est en recherche active pour la fin d’année et l’année prochaine aussi. Il faut savoir qu’on est en autoproduction, donc c’est nous qui démarchons les lieux et on sait bien que c’est parfois un petit peu compliqué de trouver le temps. On se donne les moyens pour y arriver. On est aussi en recherche de tourneurs, bookers, boites de productions…
A bon entendeur…
A bon entendeur, le message est passé, si jamais… (Rires)
Je voulais vous féliciter pour les deux vidéos que vous avez sorties, on voit que l’image prend une part de plus en plus importante dans TSAR, vous poussez le concept de plus en plus loin. Est-ce que vous allez continuer à nous offrir du contenu vidéo pour cet album ?
Complètement, parce que je sais que c’est quelque chose qui nous a cruellement manqué sur le premier album. On n’a pas fait de clips et là on s’est dit qu’il fallait absolument réparer cette erreur. Et du coup sur l’acte 2 on a sorti deux clips, le premier « Conquer », il correspond au premier morceau de l’album et « One for all » qu’on a sorti il y 3 semaines maintenant. Donc l’idée ce serait d’en faire d’autres, c’est indispensable pour pouvoir continuer à développer un univers. Chose qu’on a commencé à faire dans la musique dans un premier temps, sur scène ensuite. Sauf qu’on sait bien que tout le monde ne nous voit pas en concert, des gens qui nous écoutent sans pour autant avoir l’occasion de nous voir en concert. Parce qu’on ne peut pas jouer encore partout. Et donc le développement en vidéo est indispensable. Parce que n’importe qui, n’importe où peut voir ça et c’est une bonne manière pour faire entrer de nouveaux adeptes dans notre univers.
Il y a une signification au nom du groupe TSAR ?
Au début on est passé par différents noms, tous plus longs les uns que les autres parce qu’on s’est dit que c’était plus facile dans le référencement. Ce qui était vrai parce que personne d’autre ne les avait. Sauf qu’au fur et à mesure, on s’est rendu compte que si les gens galèrent tout simplement pour mettre le nom sur internet. Tu as beau être bien référencé, c’est un peu compliqué. Notre avant dernier nom était « The Syrus After Rumble ». L’acronyme, c’est T.S.A.R. En fait on s’est dit que c’était beaucoup plus simple, beaucoup plus percutant et que ça représentait aussi de toute façon l’une des formes de pouvoir qui existait et qui représente bien la déchéance et les limites que peut avoir le pouvoir et l’excès. Donc voilà, c’est aussi simple que ça. On a changé de nom en 2019, donc rapidement après la création du groupe.
Dans quelles conditions recommandez-vous l’écoute de cet album ?
Quelle condition ? Je dirais bien dans le noir absolu avec des bougies. (Rires) Franchement n’importe où, il n’y a pas forcément besoin de conditions, surtout qu’on pourra l’écouter à partir du 25 octobre. Je pense que l’essentiel c’est que les gens nous écoutent et surtout viennent nous voir en concert. Je pense que c’est là qu’on arrive aussi à capter quelque chose en plus. Que ce soit avec un bon casque ou sur un téléphone, n’importe…
C’est quoi TSAR sur scène ? Parce que tu nous encourage à venir vous voir, mais à quoi doit-on s’attendre ?
Je ne saurais pas dire… ce serait prétentieux, j’en sais rien. Ce que j’aime bien dire au deuxième morceau, lorsque je parle aux gens, je dis qu’en rentrant dans cette pièce, dans cette salle, vous avez choisi de laisser derrière vous quelque chose. Mais rassurez-vous, vous allez gagner quelque chose d’autre. Donc voilà, il faut se laisser aller sans prétention ni à priori et normalement, la magie opère.
Que trouve-t-on dans ta playlist ?
J’écoute énormément de choses différentes. En ce moment j’écoute du rap, j’écoute un peu de tout, mais surtout de tout et de rien. Je me laisse aller en ce moment, sur mon Spotify qui me propose des choses. J’ai beaucoup écouté Philippe Katerine, c’est ça qui est drôle, ça n’a absolument rien à voir. J’adore ça. Il a sorti un nouveau single il n’y a pas longtemps et je me suis replongé dedans. Et parce qu’il a une philosophie que je trouve intéressante. Et il ose faire des choses et il s’en fiche du regard des autres et ça c’est de nos jours très importants je pense.
Le mot de la fin est pour toi.
Eh bien déjà merci à toi d’avoir pris le temps de poser toutes ces questions, c’était toujours un exercice très intéressant à faire. J’invite tout le monde à faire les curieux et à découvrir notre univers, que ce soit un concert ou en vidéo ou à l’écoute. En tout cas nous on a hâte de continuer de jouer ce deuxième album à fond et toujours devant plein de gens qu’on ne connaît pas. Car c’est très important de faire découvrir des choses et de vivre des choses avec des personnes qu’on découvre, c’est hyper intéressant. On a hâte de les rencontrer.