Interview par Annabelle Piery – La fille en rouge
Après la sortie de leur nouvel album, Greetings from Suffocate City, ils reviennent avec l’EP Casanova (From beyond the abyss) pour fêter l’anniversaire des dix ans du groupe. Leur style, leur univers, leur musique, les thèmes qu’ils abordent, tout me parle. Je suis heureuse de vous permettre aujourd’hui d’entrer dans leur univers grâce à un échange avec Lee Jennings, le chanteur du groupe.
J’ai découvert votre groupe il y a 10 jours et depuis, j’écoute votre musique toute la journée. C’est un peu ma principale source de dopamine pour le moment ! D’ailleurs, c’est d’abord avec le morceau Dopamine que j’ai compris à quel point votre art est profond, parce que c’est celui qui me parle le plus instantanément, parce que je suis en recherche permanente de dopamine ! Et, comme celle-ci, chacune de vos chansons est engagée sur un thème, la santé mentale, le deuil, les relations toxiques, etc. : comment vous envisagez et pensez chaque écriture de texte ? Et comment ça se lie à la musique ?
Lee – J’ai beaucoup de sentiments et d’émotions et c’est à partir de ça que j’écris. Parce que pour se connecter avec les gens, on doit d’abord se connecter avec la chanson, tu vois ? Et donc cela doit signifier quelque chose pour moi ou je ne pourrais pas la chanter et je ne voudrais pas en faire partie. Donc pour nous, le sentiment de ce que nous voulons écrire vient en premier. Puis la chanson vient de ce sentiment.
Je comprends vraiment parce que je fais du théâtre et c’est la même chose, si je ne suis pas convaincue par le texte que j’ai à dire, je ne peux tout simplement pas le faire. C’est pour ça que je ne joue que mes propres textes aujourd’hui, comme toi.
Lee – Exactement. C’est pour cette raison que j’ai arrêté de faire du théâtre musical et du théâtre avec d’autres parce que je n’étais pas convaincu. J’ai essayé d’écrire mes propres pièces mais je n’étais pas le meilleur dans ce domaine. Je suis vraiment doué pour ce qui est plus spontané et écrire des paroles pour une chanson avec de la musique, ça fonctionne mieux pour moi.
Dopamine, le morceau dont nous venons de parler, fait partie de l’album Greetings from Suffocate City sorti en septembre mais également de l’EP Casanova (from beyond the abyss) sorti en novembre avec trois autres morceaux : peux-tu nous expliquer pourquoi ces deux sorties si rapprochées dans le temps ?
Lee – Nous travaillons sur l’album Greetings from Suffocate City depuis 5 ans. Et quand nous avons eu une date de sortie, c’était génial. Mais nous voulions aussi sortir une nouvelle version de la chanson Casanova composée il y a 10 ans, pour fêter notre anniversaire et remercier les fans présents depuis tout ce temps. Et le label voulait mettre quelques chansons supplémentaires du disque pour les mettre en valeur. On en a choisi trois, notamment Dopamine qui est une chanson tellement spéciale. C’est probablement l’une de mes préférées du disque aussi. Et je ne sais pas, je pense que je voulais mettre en valeur des chansons qui, selon moi, avaient besoin d’un peu plus d’amour ! Et ça a donc donné cet EP sorti le 15 novembre dernier.
Quand on écoute les deux versions de Casanova l’une à la suite de l’autre , la différence est flagrante et ça permet de sentir vraiment l’évolution de votre musique. On en sentait déjà l’essence en 2014, mais vous avez ajouté de la densité, de la technique et de l’émotion. Pouvez-vous nous raconter comment vous avez abordé cette recréation du morceau ?
Lee – C’est une chanson que les gens nous demandent de jouer tout le temps et nous avons en quelque sorte évolué par rapport à cette époque, n’est-ce pas ? Nous voulions vraiment nous réapproprier ce morceau avec l’identité musicale du groupe d’aujourd’hui. Et j’en suis assez content, je pense que ça a fonctionné et c’est juste quelque chose d’amusant que nous voulions faire. Et, tu sais, c’est cool de voir que les gens l’apprécient.
Avec ce morceau, et les autres, vous nous offrez un art engagé : comment vous vous positionnez par rapport au monde ? Est-ce que vous vous sentez une responsabilité en tant qu’artiste ?
Lee – Oui, je pense, dans le sens où je veux créer de la musique pour donner aux gens un endroit où ils peuvent être en sécurité et où ils peuvent aller quand ils ne se sentent pas bien. C’est pour ça qu’on a créé Suffocate City. Ce n’est pas vraiment un endroit réel, mais pour nous, c’est bien concret. C’est un endroit où nos fans et tout le monde peuvent se réunir et être eux-mêmes. Mais je pense que nous ne sommes pas un groupe politique. Nous ne sommes rien de ce genre. Nous voulons juste que tout le monde s’entende bien et passe un bon moment. Et la meilleure façon d’y parvenir est de créer de la musique que les gens peuvent écouter lorsqu’ils ont besoin de s’évader.
C’est vrai que vous n’êtes pas un groupe politique, mais… Vous faites quelque chose sur scène qui est politique, en tout cas qui le devient. Je parle de Robert et Caleb qui s’embrassent sur scène. Est-ce que tu peux nous en parler ?
Lee – Eh bien, c’est un peu notre truc, on aime jouer avec le feu. On veut juste montrer au monde que c’est ok d’être nous. Mais juste être nous-mêmes, surtout avec ce baiser, ça a fait tourner les têtes de beaucoup de gens. Voici l’histoire : Caleb et Rob l’ont fait une fois sur scène il y a deux ans et demi. C’était spontané. On a posté une photo d’un fan et Internet a adoré. Ils ont trouvé ça drôle, ils ont trouvé ça mignon, peu importe, n’est-ce pas ? Et on s’est dit, ok, c’est un truc. Alors on l’a fait une ou deux fois de plus. Rien de fou. Puis on a appris qu’un artiste ne voulait pas nous emmener en tournée parce qu’il pensait que ses fans n’aimeraient pas ça. Et c’est là qu’on a décidé de faire plus de contenu à ce sujet et de passer un bon moment avec ça. Et ça s’est transformé en quelque chose, par exemple on a pu récolter beaucoup d’argent pour des œuvres caritatives grâce à ça ! C’est fou parce que nous, on s’amuse, on passe un bon moment et on fait les idiots. Nous ne sommes pas un groupe politique, mais nous défendons ce en quoi nous croyons et c’est là que ça se passe, n’est-ce pas ? Ce en quoi nous croyons n’est pas vraiment politique. C’est juste humain. Pour moi, tu devrais pouvoir aimer qui tu veux, être qui tu veux être et personne ne devrait te dire quoi faire de ton corps. Et même si c’est difficile d’être soi-même ici en Amérique, nous avons encore beaucoup plus de libertés que dans d’autres pays et nous avons beaucoup de chance de pouvoir faire cela sur scène. Et je souhaite préciser que nous n’essayons pas d’être irrespectueux. On est juste comme ça. Nous aimons être impertinents. Nous aimons juste être nous-mêmes, sans injonction. Et quand quelqu’un dit qu’il n’aime pas ça, alors on monte encore d’un cran !
En vous écoutant, j’ai commencé à vous suivre sur Facebook et j’ai été invité à rejoindre le groupe des fans, le TFP’S Coffin Crew, et j’ai eu l’idée de demander à vos fans quelles questions ielles voudraient vous poser. C’est parti !
LE COIN DU COFFIN CREW
Nicole Murray – Comment le concept de dévotion est né, comment tout cela a commencé ?
Lee – Pendant le confinement du COVID, on réfléchissait et on voulait vraiment une meilleure identité pour notre groupe. On voulait quelque chose de plus grand que nous-mêmes, pas seulement 5 personnes sur scène, on voulait que ce soit basé sur la communauté. Et à l’époque, aucune nouvelle musique n’était sortie, juste Holy Water. Et on l’a enregistré de nouveau et toute une idée est née avec ça : on a cette connotation religieuse dans ce qu’on fait et le mot dévotion est resté.
Cindy Mischke – Je ne suis fan que depuis environ un an maintenant et j’essaie de mieux comprendre les icônes, donc tout détail supplémentaire pour les nouveaux fans à leur sujet serait génial.
Lee – Nous avons des personnages que nous appelons les icônes et qui représentent nos chansons. Ce sont des personnages, des créatures qui vivent dans le monde de Suffocate City. En premier, il y a l’ange de la chanson Voodoo Doll. C’est une figure très maternelle. Elle a aussi un côté impertinent, mais elle est très douce et élégante. Puis nous avons The Night Terror, qui vient de notre chanson Generation Psycho : c’est une créature sombre, mystérieuse, diabolique. Puis il y a l’alien, le personnage tout en blanc, qui est une personne non binaire qui n’a pas l’impression d’appartenir à un endroit et qui n’a de place nulle part. Ensuite, il y a les jumeaux, qui sont à la fois bons et mauvais. Ils flottent en quelque sorte entre les deux. Et puis nous avons le guide qui est en fait le détenteur de la clé de Suffocate City. C’est tellement drôle de parler de tout ça, j’adore ! Bref. Et la dernière que nous avons découverte, c’est la mère de sang, blood mother. Elle est la mère de toutes les icônes. C’est celle d’où tout vient. Elle n’est pas un Dieu en soi, mais elle est cette icône mystérieuse, très puissante qui vient et me sauve. Voilà nos personnages pour l’instant !
Mandy Karel – Quelle est l’histoire derrière la chanson Voodoo Doll ?
Lee – Cette chanson parle de dépendance. Le point de vue de ce morceau est de l’autre côté de la dépendance, le point de vue de la personne à côté. Elle parle de la blessure de l’entourage de la personne dépendante. Et cette dépendance peut être n’importe quoi, de la dépendance aux réseaux sociaux à la dépendance amoureuse en passant par l’alcoolisme, la drogue, quoi que ce soit. Je chante la chanson en étant à la place de cette personne, je peux ressentir tout ça autant que toi, celui ou celle qui se drogue. Tu mets l’aiguille dans ton bras. Je ressens aussi cette douleur, tu sais, et c’est un peu l’idée.
Serena Fuller – Quel est le concert que vous avez préféré faire et pourquoi ?
Lee – Nous venons de jouer dans notre ville natale pour célébrer les 10 ans de notre groupe et je savais que ce serait amusant, mais je ne savais pas à quel point ! Nous voulions y aller à fond. Nous avions toutes les icônes là-bas en tenues. Nous avions un nouvel éclairage complet. Nous avons fait des canons à confettis et nous avons filmé le concert pour un DVD live qui sortira l’année prochaine. Mais aussi, quand notre agent de réservation nous a donné la taille de la salle, nous nous sommes dit qu’il n’y avait aucune chance que nous vendions les 600 places ! Mais il a dit que c’était la seule salle disponible pour cette date. Alors, allons-y ! Nous l’avons annoncé et les billets ont été vendus à l’avance. C’était complet. Et je me suis dit que c’était fou. C’était tellement cool d’avoir une salle pleine de nos plus proches fans et amis et de gens venus du monde entier pour être là. Vous savez, il y avait des gens d’Allemagne et du Canada. C’était donc une expérience assez folle.
Julie Yeagy Hower – Quand avez-vous décidé de vous lancer à fond dans la musique et quelle partie de cette expérience a été le tournant qui vous a amenés à faire votre première grosse tournée ?
Lee – Dès que j’ai commencé The Funeral Portrait, je me suis dit, je vais faire ça bien. Comme si rien ne pouvait m’arrêter. J’avais traversé des relations, perdu des amitiés, j’ai tout fait. J’ai tout perdu plusieurs fois. Du coup, je ne voulais pas lâcher la musique. Je pense que ce qui a fonctionné, c’est de ne pas abandonner. Je connais tellement de groupes qui arrêtent ou qui ne saisissent pas la bonne opportunité. Mais nous, nous avons besoin de faire de la musique, ce n’est pas juste quelque chose que nous faisons juste pour le plaisir. C’est notre style de vie, c’est là où tout commence et c’est là que tout se termine. C’est ce groupe et rien d’autre.
Julie Yeagy Hower – Qu’est-ce que vous préférez manger pendant une tournée ?
Lee – Dernièrement, je mange beaucoup de pop-corn. J’adore le pop-corn ! C’est ma nouvelle addiction. J’adore aussi les hot-dogs. Un bon vieux hot-dog. Rien ne vaut ça. Et oui, ok, je consomme aussi beaucoup de boissons énergisantes.
Merci beaucoup ! C’est tout pour le Coffin Crew. J’ai encore quelques questions pour toi. Est-ce que tu as des conseils à donner aux jeunes artistes, aux musiciens qui débutent ?
Lee – Dès que nous avons commencé à être simplement nous-mêmes, à être organiques, à écouter nos cœurs et à nous représenter vraiment sans essayer d’être quelqu’un d’autre, ça a commencé à fonctionner. Bien sûr, on a tous des influences musicales et autres, mais soyez simplement vous-même, soyez toujours vous-même. C’est ça, le plus important.
Et quel est ton rêve en tant qu’artiste ?
Lee – Mon rêve, je pense que c’est juste de toucher le plus de gens possible. Quelle que soit la date d’expiration du groupe, tant que je fais ça, tant que je touche les gens et que je suis organique, que je suis réel et que je parle avec mon cœur, alors ça va. Mon rêve est d’aider les gens et de les atteindre. Et c’est pourquoi je fais ça.
J’ai hâte de voir le groupe sur scène et j’espère que ce sera très bientôt en Europe, peut-être même en France ?
Lee – Oui, nous venons d’annoncer que nous serons au Download Fest. Et nous travaillons sur d’autres dates autour de cet événement.
A suivre donc ! Merci beaucoup Lee pour ce moment.
The Funeral Portrait, ce n’est pas que de la musique, ces artistes font quelque chose d’important : ils parlent vraiment aux gens, leur musique peut entraîner certaines personnes sur une meilleure voie et peut même sauver des vies. L’aventure qu’ils vivent est incroyable et je leur souhaite le meilleur.
Merci Lee, Cody, Caleb, Robert et Homer d’exister et d’être vous-mêmes !