12.10.2023
Par Cidàlia Païs
Encore une fois j’ai l’opportunité d’interviewer un groupe qui n’est autre qu’une force de la nature.
Je me pose avec HP ( également bassiste pour le groupe DARKEN et graphiste, la team Crève Clothing ça vous parle ? ), RICK & NICO, d’une sympathie et d’une gentillesse à revendre, et voici notre échange :
*À qui ai-je l’honneur, pouvez-vous vous présenter ?
THE DISCORD : Moi, je suis HP bassiste et chanteur du groupe.
Moi c’est Nico, je joue de la batterie.
Et moi je suis Pierrick, je joue de la guitare et j’assure les back vocals.
*J’ai cru comprendre que ça fait plus de vingt ans que vous faites de la musique ensemble ?
HP : Oui, avec Nico à la batterie, ça fait vingt ans qu’on fait du son ensemble et avec Pierrick, ça fait au moins quinze ans. On se connaît depuis bien plus longtemps.
*La ville de Laval cache bien des pépites, je suis ravie de découvrir votre registre. Vous étiez dans FAT DEAD SHIT, mais racontez-moi comment vous êtes devenus THE DISCORD.
HP : Alors si on doit résumer de façon assez brève, à la base FAT DEAD SHIT était un groupe qu’on avait monté en parallèle de nos autres projets. Juste parce qu’on voulait faire de la musique ensemble. On était cinq musiciens et on s’est dit qu’on allait monter un groupe à côté pour le délire et il s’est avéré qu’au fur et à mesure des années, ce groupe, ce side-project, est devenu au final notre projet principal.
Et après pas mal d’années, on a eu envie de continuer l’aventure et le chanteur a décidé d’arrêter pour des raisons personnelles, il nous a dit qu’il préférait stopper l’aventure FAT DEAD SHIT. Et comme on trouvait qu’on était plutôt en accord sur la musique, sur la composition, sur l’objectif musical du groupe, on s’est dit qu’on allait continuer. Moi j’avais déjà les prédispositions, de par mes autres projets, à pouvoir jouer d’un instrument et chanter en même temps (le talent l’emporte).
On a décidé d’un commun accord, qu’on allait tenter l’aventure en changeant de nom. Parce que le projet allait être clairement différent. On a continué à trois parce qu’on trouvait que ça marchait, c’était plus facile dans l’écriture, dans la gestion, la disponibilité, dans les choix et dans plein d’autres choses. (…) On se connait tellement bien que ce n’est pas si simple, je pense, d’ajouter de nouvelles personnes au projet. (…) On aurait trop peur que ça explose le groupe, on est tellement bien tous les trois qu’on n’a pas trop envie que ça change, tu vois ?
*Je trouve que vous fonctionnez très bien en tant que Power trio. Vous apportez un nouveau souffle. Vous n’avez pas chômé, pandémie ou pas, vous vous êtes mis au boulot. Comment s’est déroulée la période de la pandémie et la composition de « AN OCEAN OF FEARS » ?
NICO : Dans l’idée, après la fin de FAT DEAD SHIT, notre ancien chanteur étant parti, on a lancé THE DISCORD et immédiatement, on s’est fixé un calendrier. On s’est dit : « OK, dans un an on va aller enregistrer au APIARY STUDIO chez Amaury Sauvé ». Le planning étant fixé, on s’est dit qu’on avait six mois de composition.
Après les six mois, on a fait des concerts, et du coup le process s’est lancé comme ça, à trois musiciens, comme on se connaît bien. Les compos ont été assez faciles à écrire. C’est Pierrick qui ramenait les riffs et après on les arrangeait tous les trois. En plus, comme on répétait toutes les semaines, c’était un peu comme notre partie de bowling du mercredi soir, on avait un rythme de travail assez régulier et c’est comme ça qu’on a composé tous les trois, « AN OCEAN OF FEARS». Tout ça en six mois, après on l’a fait tourner, on l’a travaillé et après on est allés l’enregistrer à la période de Noël 2021.
*J’ai vu des dates symboliques, le 21 février 2021 vous annonciez la pré-production et on comprends mieux le déroulement de cet espace-temps et de l’enregistrement de cet EP. Vous avez fait un cadeau de Noël à tout le monde le 24 décembre, en annonçant que c’était dans la boîte. C’était rapide, après seulement cinq jours pour l’enregistrement.
NICO : Oui, on a fait ça en deux fois, une semaine d’enregistrement et une semaine de mix dans la foulée avec Thibault Chaumont chez DEVIANT LAB. Et en l’espace, allez, on va dire d’un mois et demi, deux mois grand maximum, il était prêt à être pressé.
*Vous vous êtes bien entourés avec Amaury Sauvé, puisque l’enregistrement s’est fait chez lui. Masterisé par Thibault Chaumont. Et en avril 2022, vous signez chez KATABOMB RECORDS, que vous avez l’air de bien connaître, ce sont des potes ?
HP : C’est des connaissances interposées en faite, parce que Ced (Cet Lava) qui a monté ce label est le chanteur des BANANES METALIK et de BROKEN BOMB, on se connaissait parce qu’on est dans le paysage musical régional depuis déjà un petit moment, maintenant. Et lui, il fonctionne un peu à l’ancienne et ça lui tenait à cœur de nous signer. Même des choses qui ne vont pas forcément dans des registres punk parce qu’il est vraiment dans la musique. Il y a également eu un feeling, il y a le côté humain qui l’intéressait et musicalement, c’était dans ses cordes. Donc voilà, pour nous aussi, c’était une belle opportunité de mettre le pied à l’étrier, car même si on n’est pas novice dans le paysage musical du metal hexagonal, on sait que le nom THE DISCORD est complètement inconnu. Donc voilà, c’était une belle opportunité et on l’a saisie.
*Vous sortez le 1er single et son clip ‘’Hate has no Smell’’, réalisé par LEVEAU STUDIO, avec les lumières de Quentin Sauvé, et par la suite « Hurting People », la vidéo avec les paroles qui a été réalisée par la magnifique Hellana Pandora. Comment est venue cette collaboration ?
HP : C’était en fait parce qu’on se connaissait sur les réseaux sociaux depuis longtemps, etmps, et qu’elle touchait un petit peu à tout. On se suit mutuellement sur Instagram. Et à un moment, elle a eu besoin de mes services pour pouvoir illustrer une de ses vidéos. Elle a eu besoin d’un support visuel. Donc elle a fait appel à moi comme à côté je fais aussi de l’illustration, du graphisme. Je lui ai fait ça et elle a évoqué avec moi, à un moment, le fait qu’elle touchait pas mal au montage, à plein de choses, c’était très très pro, très léché et ça m’a vraiment beaucoup plu. Donc, je lui ai demandé si ça l’intéressait de faire un clip relais pour nous et elle a immédiatement kiffé. Elle nous l’a fait en très très peu de temps. C’était quasiment un One Shot.
Je lui ai donné un cahier des charges, une base de support visuel en relation avec l’album et elle a déroulé le truc. Et en plus, c’est très réussi.
*J’en viens au nom du groupe, pourquoi THE DISCORD ?
NICO : Alors en fait on a un peu galéré pour trouver un nom, on sortait de FAT DEAD SHIT qui était un projet pas sérieux, où on avait trouvé un nom pas sérieux. Là du coup, je voulais quelque chose de plus succinct, plus frappant en fait. Et on peut dire qu’on n’est pas un groupe engagé politiquement, mais après il y a quand même quelques messages à véhiculer. Et aujourd’hui, enfin moi, ce qui me frappe le plus, c’est que les gens n’arrivent plus à se parler, ils n’arrivent plus à débattre. Chacun donne son avis. Et avec cette espèce de maelström, d’avis discordant, ils n’arrivent jamais à s’entendre. C’était un peu pour mettre le doigt là-dessus. Cette espèce de truc assez actuel qui ronge un peu notre quotidien. Difficile de s’exprimer aujourd’hui sans que les gens n’arrivent plus à débattre. Chacun veut imposer son avis, de manière unilatérale, chacun fait du bruit, mais au final personne ne s’entend.
*L’importance des textes justement. Tu disais qu’il n’y a pas vraiment de côté politiquement engagé, mais je ressens plusieurs connotations dans les textes. Je pense que chacun peut l’interpréter de manière très personnelle, j’en reviens à « Hate has no Smell’’… on le dit, mais c’est très relatif, que les sentiments n’ont pas d’odeur.
HP : C’est très subjectif en fait. Dans mes textes, j’essaie quand même d’exprimer des choses assez profondes, des choses que je ressens. Mais je pense qu’il est un peu libre à chacun de pouvoir les interpréter selon ses expériences et les situations qu’il peut vivre. Après, quand je dis surtout que la haine n’a pas d’odeur, moi ce que j’interprète là-dedans c’est qu’elle n’a pas d’odeur dans la mesure où on ne peut pas la sentir venir, qu’elle n’a pas de référence. La haine, le mal peut arriver de n’importe où et on ne peut pas le sentir, comme un truc qui sent la merde, on va dire, on va le sentir à des kilomètres, on le sait. Il y a des choses qui nous tombent dessus, on ne les a pas senties venir. Et ce texte peut parler de tout ça et de façon très diverse.
*Dans « In Hell », « You preach a better world, but you do it in your own image », vous ressortez un côté socio-politique ou humain ?
HP : Beaucoup plus social que politique. Enfin moi me concernant, quand j’écris mes textes, c’est beaucoup plus axé sur les phénomènes de société ou l’humain en général.
NICO : Là tu vois, moi je trouve que ça rend bien avec le nom du groupe. Oui, dans ce texte, par exemple, ça le met bien en relation, tu vois ? Que ça impose ta vision des choses, mais qu’il y a peut-être d’autres voix à écouter avant la sienne.
HP : Voilà, si on reprend la phrase que tu évoques, cette phrase, évoque ni plus ni moins le fait que les gens vont crier haut et fort qu’ils voudraient un monde meilleur. Mais ils voudraient surtout qu’il soit à leur image, qu’il leur convient, même si ça peut être au détriment des autres. Et c’est là où ça ne peut pas marcher. C’est là où le nom THE DISCORD prend tout son sens. Parce que la vie est faite de compromis et que les gens veulent plutôt que ça aille dans leur sens. Sauf que ça ne peut pas aller dans le sens de tout le monde. Ça ne peut pas marcher ainsi.
*Dans cette rythmique frénétiquement enragée tout au long du registre, j’ai ce martèlement dans « Black Cloud » qui s’apaise par un jeu de voix « criante » est ce que c’est expiatoire ?
HP : Ça l’est, oui. Quand on l’a enregistré en studio, la définition de ce fameux cri de fin allongé était « sableux ». C’est marrant d’avoir du sable, de cracher quelque chose qui nous dérangerait dans notre organisme, dans la gorge, dans le corps et c’est vraiment quelque chose que je voulais exprimer à la fin où on avait besoin de cracher, de faire ressortir toute cette haine. J’avais envie que ça donne le sentiment que ça sort pendant longtemps, et que ça fait mal. C’est ce qu’on voulait évoquer à la fin de ce morceau qui clôture l’album.
*Puis j’aime bien aussi ce passage « The Shore ». Ce son-là, limite annonciateur, puisque après vous rebondissez sur « An Ocean of Fears ».
PIERRICK : J’ai composé juste un petit arpège comme ça j’avais une nouvelle pédale d’effet où je pouvais mettre un ampli à gauche, un ampli à droite et donc je trouvais ça cool, ni plus ni moins.
NICO : Moi j’écoutais pas mal de Death Metal, et il y a un moment où les gars aussi, ils en écoutaient un petit peu, mais trop de blast tue le blast. Et donc on avait toujours cette envie de faire de la dynamique sur six ou sept titres et d’avoir un petit moment qui se pose et quand ça repart, ça a plus d’impact que si tu ne fais que du blast tout le temps. Au final il n’y a plus de dynamique et il n’y a pas d’impact. Et là l’idée était qu’il y ait quand même un impact à la fin sur le dernier morceau et que Pierrick pose un peu le jeu. Là, il calme un peu et puis après ça repart.
PIERRICK : Il n’y a pas de signification. C’est purement musical dans le fait de se poser un petit peu pour après bien repartir.
HP : En fait, on voulait faire quelque chose qui nous parle musicalement et émotionnellement. Et moi je voulais écrire quelque chose en fonction de ce que ça m’évoque. C’est pour ça que c’est pas forcément toujours fait dans le bon sens.
On a souvent l’impression qu’on va sortir du champ, qu’on exprime quelque chose et qu’on fait la musique ensuite pour pouvoir l’exprimer correctement. Mais dans notre processus de composition, ça se fait à l’envers. On va évoquer quelque chose musicalement et je vais trouver le thème adapté à cette musicalité.
*Je voulais aborder l’ artwork, je voulais savoir qui a tué le corbeau et pourquoi vous avez tué le corbeau ?
(Rires)
Nico et Pierrick (pointant du doigt, HP) : C’est lui qui l’a tué !
HP : Si tu savais…
En fait je bossais sur le terrain avant, j’ai bossé pendant longtemps dans le bâtiment et un jour, en arrivant sur une intervention sur un toit terrasse, au pied de la machine sur laquelle je devais intervenir, il y avait un corbeau mort qui était là en décomposition. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis dit ‘’tiens, il envoie, il a de l’allure, même dans sa mort’’, donc je l’ai pris en photo. Je me suis dit qu’un jour ça allait servir et et au final…
J’ai un truc personnel avec les corbeaux en général, je ne saurais pas exactement expliquer pourquoi mais c’est un animal qui me fascine, qui me passionne.
Je trouve qu’il est très expressif, qu’il évoque plein de choses et du coup je l’ai tout simplement utilisé parce que je le trouvais en accord avec plein de choses que j’avais pu écrire et qu’on a voulu exprimer dans cet EP. Cette photo traînait depuis au moins quatre ou cinq ans sur mon téléphone ou sur mon ordinateur. J’avais déjà bossé dessus, je l’avais dessiné sur quelque chose mais rien de concret.
NICO : Oui, quand HP a fait la première version de cet EP, Pierrick a flashé dessus.
PIERRICK :Oui j’ai trouvé ça très cool. Et en plus c’était vraiment perso à lui, il avait fait la photo, qu’il a retrouvé…
HP : Pas de problème de droit, pas de problème de quoi que ce soit. On en a profité !
*J’ai remarqué que dans la cover de cet EP, le corbeau n’est pas clouté mais dans les t-shirts oui, crucifié même.
HP: C’est juste une petite touche esthétique. Je ne saurais pas forcément l’expliquer…Un psychothérapeute ou un psychologue pourrait certainement trouver une raison.
C’était vraiment pour redonner un côté esthétique et un peu plus brutal, donner un intérêt différent et un quelque chose de plus accrocheur pour l’aspect du T-shirt.
*Et je vois que pour le CD vous avez choisi un crâne blanc avec les paroles dessus, c’est assez dark, c’est beau. Un autre détail que j’ai remarqué, c’est que le « THE » il est tout petit à côté de « DISCORD » pourquoi ? Excusez-moi, mais je fais attention aux détails…
HP : C’est bien parce qu’en fait, tu nous fais nous poser des questions qu’on ne s’est pas forcément posées. C’était, pour ma part, en ayant travaillé sur le logo, un souci esthétique et pour donner une place plus importante au mot « Discord », plutôt que le « The », ni plus ni moins
*Je sens une confiance absolue entre vous, j’avais juste envie de vous le dire.
On a une image de cette musique, certes forte, mais elle est forte dans l’émotion, elle est bourrée de sens, et je pense que vous êtes trois personnes qui passent beaucoup de temps à rigoler ensemble. Je me trompe ? Je vois les sourires là…
Les 3 : Ah je pense que si tu faisais une compète de calembours…
HP : On est potes depuis assez longtemps. Musicalement, oui, en effet, on est quand même bien en phase et on sait ce qu’on fait. Je pense que ton ressenti est bon. Il y a surtout de la complicité, parce qu’il y a de la pure amitié. C’est juste ça. Mais ça renforce le professionnalisme d’avoir cette vision commune.
NICO : Ce n’est pas un groupe où tu as un leader qui embauche des musiciens, tu vois ? C’est pas du tout ça. C’est un peu comme un groupe comme au collège. Comme tu as avec tes potes, une sorte d’évasion. Et derrière, on a de l’expérience, on se connaît bien et on s’apprécie tous les trois. Et on a tous plus ou moins le même parcours musical tout de même. On sait ce qu’on a vécu, on sait ce qu’on veut faire et c’est ça qui est cool.
*Mine de rien, vous bougez pas mal, vous avez fait le Hellfest. Je vous verrai à Paris.
Racontez-moi vos projets pour la suite ? Qu’est ce que THE DISCORD nous prépare ?
NICO : Après la prochaine date, le 9 novembre avec LOCOMUERTE à la Boule Noire, on va refaire un petit truc sur Laval, le 8 décembre. Cet EP est déjà sorti depuis un petit moment. Donc là on va repartir sur de la composition pour ré-enregistrer vers Noël 2024.
*Aimeriez-vous ajouter quelque chose qu’on n’a pas abordé ?
HP : Non, pas spécialement, on a bien creusé quand même. Les questions étaient vraiment intéressantes et pertinentes. Donc je pense qu’on a bien fait le tour de la question. C’est même bien parce que je pense que ça met le pied à l’étrier pour certains aspects autour de la composition pour le futur.
*Un mot pour Vecteur Magazine.
PIERRICK : Merci, oui merci beaucoup à Vecteur de nous avoir accordé cette interview.
À bientôt sur les routes de France.
HP : Merci beaucoup du fond du cœur, car il y a des groupes qui, comme nous, ont besoin que leur musique soit écoutée. C’est important, et la chose qui me fait le plus plaisir, c’est des retours comme le tien.
PIERRICK : .. ça nous touche de se sentir écoutés comme ça. C’est un privilège, c’est une chance.
NICO : Je n’aurais pas mieux dit !
HP : .. même de pousser l’analyse à décortiquer les textes, ça fait vraiment plaisir .