Vecteur Magazine

Rencontre avec Barry Kerch de SHINEDOWN

On en rencontre, du beau monde, au Hellfest ! J’étais en route vers Clisson le jeudi 16 juin dernier, puis vient un mail : Warner Music France m’invitent à rencontrer Barry Kerch à l’occasion de la sortie du nouvel album de SHINEDOWN : ‘Planet Zero’ ! Bien entendu, j’accepte, et c’est sous un soleil de plomb que je rencontre le lendemain le batteur emblématique du groupe à succès dans les loges du festival, quelques minutes à peine après leur show.

 Vous venez de jouer sur la Main Stage 2 du Hellfest il y a quelques minutes, comment as-tu trouvé le show ? 

Barry : On a vraiment passé un bon moment. C’était sympa de voir les fans interagir vraiment avec nous, c’est d’ailleurs la troisième fois que l’on vient, je crois. La première fois on jouait à midi, la deuxième fois à 13h et cette fois, il était presque 16h. On commence à voir la croissance qu’on a en tant que groupe, et le public était vraiment au rendez-vous, surtout au vu de la température ! Je viens de Floride, et ça, c’était différent, il faisait vraiment chaud. On a passé un bon moment, on est tous sortis de scène avec le sourire, c’est tout ce qu’il nous faut ! 

Je vous ai vus au Hellfest 3 fois et une fois à Paris, et je me demandais, comment perçois-tu les changements dans la relation que vous avez avec la France ?

Barry : J’ai l’impression que ça s’améliore constamment ! Pour nous, il y a la barrière de la langue qui est difficile à surmonter, et Paris peut être difficile, surtout pour des américains (rire) ! Et c’est normal ! Mais j’ai l’impression que ça avance, et c’est tout ce qui compte. C’est ce qu’on fait en tant que groupe, on a travaillé très dur très longtemps pour nous assurer de toujours grandir, et j’ai l’impression que c’est ce qui s’est passé. On reçoit de plus en plus d’amour et d’énergie, pas seulement des parisiens, mais de tous les français. En dehors de Paris, tout le monde dit que Paris est difficile, que c’est un marché difficile à pénétrer. J’ai entendu un million d’histoires de groupes qui y ont joué pour la première fois et qui l’ont trouvé très difficile. Mais j’ai l’impression que ça s’améliore, et on continue de revenir parce qu’on aime les défis !

C’est vrai que ça s’aborde de salle en salle, de plus en plus grandes !

Barry : Oui et on revient en automne au Bataclan, j’ai hâte ! Très hâte !

Vous sortez ‘Planet Zero’ le 1er juillet, comment te sens-tu à l’approche de la sortie ?

J’ai hâte ! Il devait originellement sortir le 22 avril, et à cause de la production du vinyle et de nombreux ralentissements, on ne voulait pas sortir l’album et que les gens se retrouvent sans le vinyle, donc on l’a retardée. J’en ai marre d’attendre de le sortir, c’est comme un singe sur mon dos (traduction littérale, mais c’est une expression proche de « c’est un poids pour moi », ndlr) et je veux que ce singe s’en aille (rire) ! Je veux que le monde l’entende enfin parce qu’on l’a gardé trop longtemps. J’ai hâte que tout le monde l’entende, je pense que c’est un album important et dont on a besoin en cette période. Donc j’ai très hâte !

Eh bien, j’ai pu écouter ce singe et je l’ai beaucoup aimé ! C’est votre deuxième « concept album », après Attention Attention. Comment était le processus ?

Ce n’était pas intentionnellement un concept album à la base, il l’est devenu. SHINEDOWN a toujours été connu pour parler de ce qu’on connaît. On raconte des histoires vraies, soit qu’on a vécues, soit qu’on a vues de nos yeux. Et le monde était nul ! Il est devenu un enfer ! Donc on avait rien d’autre comme sujet, vu que c’était la chose la plus évidente dans nos vies. On a tous vécu des trucs chez nous, moi j’ai vécu l’anxiété du cancer pendant qu’on faisait l’album, ce genre de truc. Mais rien de tout cela ne compte, c’était tellement dingue qu’il fallait qu’on en parle ! Mais au final ça a été très fun, car quand l’album a commencé à sortir… Je pense que ça a failli tuer Eric, vu qu’il l’a produit, et ça a mis tout le poids sur lui, il voulait que ça sonne comme l’idée qu’il en avait. Mais ce qu’on a fait en tant que groupe, j’en suis extrêmement fier ! Je pense que ça montre une évolution, et que c’est un côté de Shinedown que les fans n’ont jamais vu, et je pense qu’ils vont adorer. On ne fait jamais deux fois le même album, pourquoi le refaire ?

L’album parle beaucoup de combattre l’autoritarisme, notamment sur les réseaux sociaux. C’est peut-être le premier album véritablement politique de SHINEDOWN ! 

C’est politique sans choisir de camp. Et c’est ce qu’on essaie de faire, car on a des fans des deux côtés, de tous les côtés. On ne choisit pas de camp politique, ce n’est pas ce que nous sommes. Nous ne sommes pas RAGE AGAINST THE MACHINE, on n’est pas un de ces groupes qui portent le drapeau de quelque chose. Nous sommes fiers d’être qui nous sommes, et de rassembler tout le monde. C’est l’essence même de SHINEDOWN ! La positivité et les vraies conversations. Oui, il y a un sens politique, c’est un commentaire sur le monde, mais en réalité c’est un avertissement. C’est dire « si on n’est pas ensemble pendant ces événements, on ne va pas pouvoir le traverser ». Il faut que l’on commence à converser sur ces sujets, que l’on soit d’accord ou non. Il faut qu’on se dise « tu sais, je ne suis pas totalement d’accord avec tout ce que tu dis, mais on peut ne pas être d’accord et rester frères ». Et ça manque, parce que les réseaux sociaux c’est le diable ! C’est vraiment de la merde, c’était un super outil au début, une super idée, et c’est devenu l’enfer. Ma fille n’est pas dessus, elle ne sera pas dessus tant que je peux l’en empêcher. Ce sont les choses que les gens ne réalisent pas. Tu peux dire ce que tu veux dans un faux espace, et tu vas blesser plein de monde tout en étant un lâche caché derrière un écran. Dis-le en face de la personne et vois ce qui se passe ! Et tous ces commentaires que je lis, « SHINEDOWN, j’espère que vous allez mourir dans un accident d’avion, vous êtes le pire groupe du monde »… Vraiment ? Pourquoi tu dis ça à qui que ce soit ? Si tu n’aimes pas notre musique, tu as le choix de ne pas l’écouter. Mais tu viens là parce que tu as une plateforme qui te permet de dire des conneries comme ça. Dis-le moi en face une fois, tu ne le diras pas deux fois !

J’ai l’impression que les fans de SHINEDOWN comprennent vraiment le point de vue que vous avez, sur le fait qu’on est pas forcément toujours d’accord et qu’on peut s’entendre quand même. Toute la fanbase s’entend bien !

Oui, c’est parce qu’on est un groupe qui unit ! On a écrit une chanson sur ça, sur tout le monde qui se rassemble. La vie est trop courte, quand tu regardes l’espérance de vie des humains, et celle du monde, on se rend compte qu’on n’est rien, on est de la poussière. Apprécie ce que tu as et il est beaucoup plus facile d’être une gentille et heureuse personne que d’être un connard tout le temps triste. Il n’y a pas de bonne raison de faire ça. Il y a des gens qui chantent sur le fait qu’ils emmerdent tout, mais si tu penses vraiment ça, ta vie doit être nulle, tu dois être triste tout le temps ! Je dois être heureux tout le temps, il y a trop de choses qui se passent pour s’attarder là-dessus (rire) !

J’aime beaucoup le son de l’album parce que j’ai l’impression que vous innovez beaucoup, notamment sur « America Burning » ! Est-ce que tu peux parler de cette chanson et de sa conception ?

Merci ! Je crois que c’était une des premières, honnêtement ! Et c’est une de ces chansons sur lesquelles les paroles sont super intenses. Quand on a écrit cette chanson je me souviens qu’on a eu une conversation pour savoir si on s’aventurait vraiment sur ce chemin. On réalisait qu’il y aurait un retour de flamme. C’est une chanson très intense, surtout au vu du contexte en Amérique à l’époque, et maintenant, avec des émeutes et tout ça. Donc si on voulait faire ça, il fallait le faire jusqu’au bout, c’était un test pour le reste de l’album. Et on s’est dit « OK, on se soutient tous les uns les autres, pas vrai ? On y va ». Et c’était l’idée. Quant au son, cet album devait être agressif, il devait être comme ça. Quand tu écoutes ‘Attention Attention’ ou quelques-uns de nos albums passés, ils sont très amples, il y a beaucoup d’espace dans le son, comme dans des grandes salles. Ce nouvel album est l’inverse de ça : tu te le prends en pleine poire, dans un mix stéréo qui te met la voix dans le visage, la batterie, les guitares… Tout ça tu te le prends directement sur tout l’album, parce que c’était l’objectif : démontrer quelque chose. On demande l’attention, et c’est de là que c’est venu.

Cette approche fait très punk rock ! 

On a eu beaucoup d’influences punk rock là-dessus, effectivement !

J’ai aussi beaucoup aimé « Sure Is Fun », qui est aussi plutôt innovante au niveau du son !

C’est une de mes préférées à vrai dire ! C’est très ironique d’ailleurs sur cette chanson, parce qu’on chante « regardez ce que vous avez fait, c’est vrai que c’est fun » ! C’est l’objectif de ce morceau. C’est un morceau de pop quelque part, mais les paroles sont super sarcastiques, pour que l’auditeur se dise « oh, mais ils nous pointent du doigt » ! « C’est ce que vous voulez ? C’est vrai que c’est fun, bonne chance » (rire) !

Avec des chansons comme « Dysfunctional You » et « Daylight » on sent que vous êtes passés par des phases très sombres ces dernières années. On dirait que vous voulez vous reconnecter aux fans en les partageant, et j’ai l’impression que c’est un peu ce que vous faites depuis vos débuts. Est-ce que ‘Planet Zero’ est l’album quintessentiel de SHINEDOWN d’une certaine manière ?

Je l’espère ! Je compare beaucoup ce nouvel album à ‘The Sound Of Madness’, on était peut-être dans notre moment le plus sombre, mais c’est un de nos meilleurs albums. Je ressens la même chose pour cet album, non pas parce qu’on vivait des choses sombres, car vivre des choses sombres est la condition humaine. Si tu ne souffres pas, tu ne peux pas être heureux. Si tu es tout le temps heureux, tu ne sais pas ce qu’est la souffrance et ça devient ennuyeux. C’est ça l’essence de SHINEDOWN, parfois on va bien, parfois on va mal. C’est ce qu’on est, et c’est ce qu’on défend en tant que groupe, c’est même dans le nom du groupe ! On traverse tous des choses, des problèmes familiaux, des moments positifs et des moments négatifs. Je ne veux pas trop me mettre en avant, mais en plein enregistrement de cet album, j’ai été diagnostiqué avec un cancer, et c’était flippant ! Après avoir fini d’enregistrer l’album, j’ai dû aller m’en débarrasser. C’est peut-être ce qui fait que la batterie est si agressive sur cet album ! J’étais énervé ! Ce genre de choses arrivent, c’est la vie ! Et soit tu choisis de le surmonter, soit tu te mures dans l’apitoiement. Et je ne m’apitoie pas sur moi-même ni sur les autres, il n’y a pas de pitié. Je me dis « OK, c’est ce que j’ai, je vais me battre comme jamais, et j’irai bien » ! Et je vais bien, si jamais des fans lisent ceci, tout va bien, ce n’était pas grand chose, ne vous inquiétez pas. C’était facile, on l’a trouvé rapidement, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Je suis en pleine santé ! C’est ce qui arrive quand on grandit en Floride en ayant la peau très claire et en ne mettant pas de crème solaire (rire) ! Ce genre de choses arrivent. Alors pourquoi ne pas écrire dessus ? C’est ce qui fait qu’on peut s’identifier aux chansons ! Si je peux m’identifier à cette chanson, même si ce n’est pas la même chose, je vais beaucoup plus l’apprécier. Et après les gens viennent me dire « cette chanson compte beaucoup pour moi parce que j’ai traversé ça ». Je ne vais pas dire que la chanson ne parle pas de ça, je vais dire « super, je suis content que cette chanson t’ait aidé » ! C’est la musique. La musique que j’écoute me fait ressentir des choses.

J’aime poser cette question à chaque interview : quelle chanson de l’album correspond le mieux à ton humeur aujourd’hui ?

En termes de température, on se sent un peu comme dans « America Burning » (rire) ! Je vais dire « Sure Is Fun », mais pas pour le côté sarcastique. Plutôt parce que cette chanson me rend heureux ! Je suis dans une phase où je suis très heureux, je suis content d’être à nouveau en tournée, et que la vie soit revenue à la normale. Donc, oui, « Sure Is Fun » ! Je ne pensais pas forcément dire celle-ci, mais c’est celle qui correspond le mieux.

Vous avez joué quelques chansons de l’album aujourd’hui, quelle chanson as-tu le plus hâte de jouer sur la tournée ‘Planet Zero’ ?

On vient de commencer à jouer « Daylight », et on ne peut pas la jouer partout parce qu’on a parfois peu de temps, notamment en festival, mais « Daylight » est vraiment cool. J’ai hâte de jouer le morceau-titre, « Planet Zero », et « No Sleep Tonight », parce que je pense que ce n’est pas ce que les gens attendent de nous car c’est une chanson metal, un peu punk-rock. C’est celle que j’ai hâte de sortir en mode « ah je pense que vous n’attendiez pas ça de SHINEDOWN » (rire) ! Celle-ci et « America Burning », cette chanson représente beaucoup pour moi, car elle représente vraiment ce qu’on a traversé. 

Merci beaucoup pour cette interview, as-tu quelques mots pour vos fans français, pour la conclure ?

Merci d’être venus avec nous, de nous avoir accompagnés. J’espère que vous aimerez le nouvel album. S’il vous plaît, venez nous voir au Bataclan, mais continuez aussi à nous soutenir, car la prochaine fois qu’on viendra à ce festival, j’espère que ce sera en tête d’affiche. On veut continuer à grandir, et tant que vous êtes là, on sera là !

LINE-UP :

Brent SMITH (Chant)

Zach MYERS (Guitare)

Eric BASS (Basse)

Barry KERCH (Batterie)