INGLORIOUS – V
Label : Frontiers Records
Inglorious, formé en 2014 autour du chanteur Nathan James, lâche cette petite bombe hard-rock sobrement appelé V (5), imprégnée des grands noms du genre, mais sans sombrer dans la citation facile ou la nostalgie. Si certains codes, notamment au niveau des harmonies vocales, semblent intemporels, le son est suffisamment moderne pour ne pas faire s’abîmer le quatuor britannique dans le pastiche post-moderne. Leur hard-rock est authentique, sans fioritures. Le line-up est quant à lui fidèle à la tradition rock, c’est-à-dire instable. Rien que la première année et avant même le premier album, ce n’est pas moins de trois guitaristes qui se succèdent ! Ce cinquième opus n’échappe pas à la règle et les cartes sont encore rebattues. La cuvée 2025 voit donc le retour du bassiste originel, Colin Parkinson, parti en 2018. Son jeu redoutable caractérise bien l’esprit Inglorious et, grâce à un mixage particulièrement malin, magnifie les compositions portées par la voix puissamment versatile de Nathan James, aux côtés des guitares de Richard Shaw et de la batterie de Henry Rogers.De ces dix titres diablement efficaces, Testify et Stand tiennent le haut du pavé, suivies de près par Devil Inside. Parkinson et son vieil ami James nous offrent ainsi toute l’étendue de leurs talents dans ces trois pépites rugueuses, qui imprimeront vos oreilles à coup sûr.
Par Christophe DESCOUZÊRES
THE INSPECTOR CLUZO – More is Less
Label : F. The Bass Player Records
Dans un monde saturé de bruit et d’ambition, où tout s’accélère sans fin, Laurent Lacrouts et Mathieu Jourdain ( les deux faces du duo The Inspector Cluzo) ont choisi le silence fertile des Landes. Là-bas, entre les pins et les vents d’ouest, ils ont bâti un lieu à leur image : une ferme où l’on cultive autant la terre que l’esprit, un sanctuaire d’indépendance, hors des sentiers de l’industrie. Pas de managers, pas de contrats dorés, pas de compromis. Juste la foi intransigeante en une musique qui ne ment pas. De cette fidélité à eux-mêmes naît Less Is More, leur dixième album. Mais il serait vain de parler ici de simple disque : il s’agit plutôt d’une trace, d’un acte, d’une proposition radicale. Ce que d’autres appellent maturité, eux le nomment dépouillement. Une main tendue vers la simplicité, non comme abandon, mais comme réinvention. Enregistré à Nashville, dans le souffle vivant de prises en direct, sous l’oreille complice de Vance Powell (artisan sonore aux côtés de Jack White ou Chris Stapleton )cet album capture la foudre des corps en mouvement, cette tension organique qui parcourt leurs concerts depuis près de deux décennies. Ici, aucune tricherie. Pas de retouches, pas de pistes superposées. Le son respire, tremble, vibre. Il porte la sueur et la poussière. Le titre n’est pas un slogan. Less Is More est un principe de vie, un refus du superflu. C’est une boussole dans une époque d’excès. On y entend le blues comme une plainte ancienne, le rock comme une pulsation tellurique, mais tout est contenu, mesuré, retenu parfois jusqu’à l’épure. La fureur des débuts s’est transfigurée en densité. La colère est là, mais elle ne crie plus : elle creuse.
Par Emma FORESTIER
LEAD INTO GOLD – Knife the Ally
Label : Artoffact Records
Il n’est pas de retour plus discret, ni de constance plus étrange, que celle de Lead Into Gold. Un seul album, publié à la fin des années 80, comme une météorite venue d’un futur rouillé, puis le silence. Ou plutôt, une autre voix. Celle de Paul Barker, indissociable du grondement de Ministry, collaborateur instable de formations telles que Pigface, The Revolting Cocks ou Puscifer. Vingt ans d’ombre portée au service d’un son. Puis, soudain, une réactivation : en 2018, The Sun Behind the Sun, et en 2023 The Eternal Present… comme si Barker avait décidé de retourner vers lui-même, après avoir habité tant d’autres corps. Avec Knife the Ally, le troisième long format sous ce nom fantôme, Lead Into Gold s’affirme enfin comme un espace autonome, un laboratoire introspectif, un miroir sans teint tendu à une époque d’algorithmes et d’extinctions lentes. Ce disque n’est pas un objet musical, mais un chant de câbles. Une langue forgée dans le métal, qui refuserait de renoncer à la poésie. L’écoute donne l’impression qu’un réseau, une conscience, peut-être, tente de ressentir. D’apprendre ce qu’est la mélancolie. Ou la colère. Ou la solitude. On entend le tissu nerveux de la machine se tendre, hésiter, se tendre à nouveau. Les textures sont massives, industrielles, presque suffocantes. Mais au sein même de cette densité surgissent des inflexions mélodiques inattendues, comme des lignes de fuite dans une prison sonore. Une musique qui martèle, oui, mais aussi qui s’interroge. Qui frôle parfois l’harmonie sans jamais s’y abandonner tout à fait. Écouter cet album, c’est se tenir à la lisière : entre la mémoire du post-industriel et une intuition d’avenir, entre la violence du monde et l’intimité d’une conscience artificielle qui balbutie sa première émotion.
Un disque vaste, impérieux, tissé dans l’acier mais palpitant de flux. Un allié, peut-être, ou un couteau. Ou les deux.
Par Emma FORESTIER
BATTLESNAKE – Dawn of the Exultants and the Hunt for the Shepherd
Label : Battlesnake
En 2024, la trajectoire de Battlesnake a connu une expansion fulgurante à l’échelle internationale. Leur album The Rise and Demise of the Motorsteeple s’est imposé comme un jalon essentiel dans leur parcours : un condensé de métal survolté, d’imaginaire foisonnant et de récits complexes. Acclamé par la critique et plébiscité par le public, ce disque a propulsé le sextet australien au-devant de la scène mondiale, consacrant leur place parmi les formations incontournables du moment. En 2025, Battlesnake s’engage dans son année la plus intense à ce jour. Avec Dawn Of The Exultants And The Hunt For The Shepherd, ils dévoilent un nouveau chapitre sonore d’une audace vertigineuse, destiné à conquérir les foules à chaque performance. Plus que jamais, le groupe s’affirme comme l’un des phénomènes live les plus brûlants et imprévisibles du rock contemporain. Si le heavy metal demeure leur étendard principal, les réminiscences psychédéliques et progressives s’y invitent avec force. Shepherd Hunter et Beelzebug II illustrent parfaitement cette alchimie, mêlant folie maîtrisée et sophistication. Au-delà des classifications, ce qui frappe chez Battlesnake, c’est la puissance dramatique et scénique qui irrigue leurs compositions les plus théâtrales. Murder Machine, porté par les vocaux délicieusement démoniaques de Sam Frank, s’impose comme un rouleau compresseur mélodique. Même impression avec Sanctum Robotos, où Frank hypnotise de nouveau par sa noirceur envoûtante. Cet opus ambitieux signe une plongée encore plus profonde dans l’univers singulier du sextet de Sydney, fusionnant métal massif, narration théâtrale et imagerie fantastique, une empreinte désormais solidement enracinée dans le paysage du rock moderne. Battlesnake incarne un chaos savamment orchestré, aussi déjanté qu’un container de grenouilles sous amphétamines. Mais derrière cette frénésie apparente, chaque excès est méticuleusement dosé, chaque extravagance parfaitement maîtrisée.
Par Emma FORESTIER
DISSONANT SEEPAGE – Dystopian Putrescence
Label : Comatose Music
Originaire de Rochester, New York, Dissonant Seepage s’est imposé comme l’un des groupes les plus lourds et impitoyablement percutants de la scène brutal death metal. Après le déboulonnage sonore de leur premier opus en 2023, The Darkness Will Swallow You Whole, le trio plonge encore plus profondément dans les ténèbres putrides, livrant un disque façonné dans la pourriture, la décomposition et une violence sonore brute : Dystopian Putrescence. Au cœur des horreurs sombres et désolées du brutal death metal, Dissonant Seepage se démarque, évoluant sur un spectre sonore extrême et terrifiant. Le premier single, « Ancient Pestilence Reborn », ouvre les portes d’un univers en putréfaction où riffs suffocants, blasts implacables et hurlements gutturaux s’entrelacent dans une atmosphère oppressante. Des titres comme « Immortal Until Decay » ou « Rotting Monument » s’étirent en hallucinations fiévreuses, déchirant l’esprit avec un groove rampant et des ambiances cauchemardesques en constante mutation. Des titres comme « Rotting Monument » vous engloutissent, vous projetant dans un chaos rampant, mêlant tempos violents et riffs torturés qui rampent à travers des tranchées de crasse, des abîmes sans fond de putréfaction et de désespoir. Les sons semblent surgir de guitares dont les cordes pendent telles des entrailles lâchement nouées, tandis que les mots explosent de la gorge déchirée de morts de longue date.
Par Emma FORESTIER