Interview par Annabelle Piery – La fille en rouge
Avec un nom improbable, une énergie dévastatrice et un univers narratif inspiré des jeux vidéo, le trio Joe La Truite débarque avec Ultimate Ninja Storm 2 : Full Zguen, un concept-album aussi barré que cohérent. Entre punk, métal et psychédélisme cosmique, Julien, Charles et Martin construisent un monde sonore où se croisent héros intergalactiques, riffs furieux et headbang libérateur. Nous avons rencontré Julien et Charles pour parler création, live, imagination et… Zguen.
Le nom de votre groupe est hyper décalé et donne direct envie de découvrir ce que vous faites : comment vous l’avez choisi ?
Julien : Sur un coup de tête. Mais on s’est vite rendu compte que ce nom, Joe La Truite, nous permettait une énorme liberté artistique. Il évoque un univers visuel, absurde, imagé, qu’on a ensuite nourri à travers notre concept-album, les personnages, l’artwork. On l’a justifié à posteriori, un peu comme Igorrr, où chaque morceau a sa propre identité.
Vous pouvez vous présenter un peu ?
Julien : Je suis à la guitare et au chant. À la base, j’étais batteur, dans le métal extrême (thrash, death, black) pendant 15 ans. Puis j’ai eu envie de passer côté guitare et voix. Aujourd’hui, j’ai un studio d’enregistrement (dBd Studio), je bosse avec des groupes punk, rock, métal, et je fais aussi de la sonorisation de concerts.
Charles : Moi c’est Charles, basse et chant. Je viens du rock/hard rock. J’ai rencontré Julien en enregistrant un album avec mon ancien groupe. On s’est bien entendus. Quand il a lancé Joe La Truite, j’ai d’abord joué de la guitare, puis on s’est dit qu’il manquait une basse… donc j’y suis passé.
Et Martin, le batteur ?
Julien : Je jouais déjà avec lui dans un groupe post-rock qui s’appelle Bord du Monde. On s’est rencontrés dans notre local de répète, qui est aussi mon studio. Quand notre premier batteur a quitté le projet, c’est Martin qui a pris la relève naturellement. Il est aussi ingé son, il fait beaucoup de live. Et il touche aussi à l’électro, il a des goûts très variés.
Parlez-moi de votre album Ultimate Ninja Storm 2 : Full Zguen. Comment cette aventure musicale est sortie de vos esprits ?
Charles : On l’a composé sur 4 ans, après la sortie de notre premier album. C’est un concept-album avec une vraie histoire, des personnages, et des visuels qu’un pote à nous, Joris, a réalisés. On suit l’histoire de Little Ninja, un héros qui mène une enquête pour retrouver un super-héros disparu. Il traverse des planètes, rencontre des alliés, des ennemis… Il y a de l’aventure, de la bagarre, du délire.
Julien : On l’a pensé comme un jeu vidéo : tu as une intro, un premier niveau où tu découvres les capacités du héros, puis des boss, un twist scénaristique, et un boss final. On a fait en sorte que chaque morceau ait son univers, qu’on comprend bien dans le livret de l’album. Mais c’est vraiment un album à écouter dans sa continuité. Pris morceau par morceau, surtout en streaming, ça peut sembler décousu. Le tout prend sens quand on l’écoute en entier.
Et comment vous composez, concrètement ?
Charles : La majorité du temps, c’est Julien qui amène une base : un riff, une structure, un morceau complet. Ensuite, on travaille ensemble. Parfois, c’est moi qui propose une base. Et parfois, on jamme tous les trois et quelque chose émerge.
Julien : On compose souvent à l’ordi, avec des plugins, des batteries programmées. Une fois qu’on a une base solide, on réorganise les morceaux pour créer une narration. On a fait une sorte de puzzle : on avait dix morceaux, on les a mis dans un ordre qui raconte une histoire, puis on a construit le scénario autour de ça.
Charles : Par exemple, le morceau Little Ninja, qui ouvre l’album, est le plus ancien. Il existait avant l’histoire.
Est-ce que sur scène, vous avez prévu des éléments visuels ou narratifs en lien avec cet univers ?
Charles : Pas encore. On aimerait bien, mais on n’a pas encore la logistique pour développer ça. C’est un objectif : faire évoluer le live vers quelque chose qui s’aligne avec l’univers visuel de l’album.
Votre genre musical assigné est « punk métal psychédélique ». C’est quoi cette étiquette, ça correspond à quoi pour vous ?
Julien : Aujourd’hui, il faut bien coller une étiquette… Mais c’est difficile. Certains morceaux sont très punk, d’autres très métal, certains très psyché ou rock. C’est un gros bac à sable. On a choisi « punk, métal, psychédélique » parce que ça couvre bien l’essentiel. Mais des gens nous parlent de madcore, de rock psyché, de métal cosmique…
Charles : On nous compare parfois à Faith No More, Primus… Des groupes alternatifs des années 90/2000. On explore beaucoup. Ce qui compte, c’est l’énergie, la créativité. On veut garder cette liberté.
À travers cet album à l’univers hyper fourni, qu’est-ce que vous voulez transmettre ?
Charles : Qu’il ne faut pas se prendre trop au sérieux. On fait de la musique sérieusement, mais on veut aussi rigoler, délirer, raconter des histoires de Zguen, de guerriers cosmiques… On veut transmettre du fun, de l’énergie, du partage.
Julien : C’est une invitation à faire vriller l’imaginaire, à partir dans tous les sens. On a essayé de construire un univers qui stimule l’imagination. On prend ça au sérieux, mais sans se prendre au sérieux.
Et la suite ? Des idées pour un prochain album ?
Julien : On a déjà des morceaux en gestation. On ne sait pas encore si ce sera un nouveau concept-album. Le dernier nous a pris cinq ans, c’était long. Peut-être un format plus direct. Ou peut-être encore plus perché, qui sait.
Charles : L’objectif, en tout cas, c’est de relâcher un maximum de Zguen. C’est notre mot à nous. Le Zguen, c’est cette énergie qui te fait faire du headbanging, ce qui te prend aux tripes quand t’es sur scène ou dans le public.
Des dates prévues pour défendre l’album ?
Charles : On a tourné depuis mars. Là, l’été est un peu calme. Mais on sera sur le RDB Fest en septembre. C’est un festoche qu’on organise via l’asso de Julien. Et en 2026, on espère tourner en Allemagne, Autriche… On y travaille.
Un conseil pour les jeunes qui veulent monter un groupe ?
Julien : Foncez. C’est la meilleure école. Mais soyez coriaces. Faut bosser tout : son, réglages, technique… Et se lever tôt. Le monde de la musique est exigeant. Aujourd’hui, la production est parfois trop surchargée, trop propre. Et en live, ça déçoit. Il faut être honnête dans ce qu’on propose.
Charles : Et surtout, ne t’accroche pas à ton ego. Un groupe, c’est un terrain d’entente. Faut bosser ensemble. Si tout le monde est content, ça roule.
Merci beaucoup à vous deux. Et si vous passez en Creuse, je viens vous voir !
Julien : Carrément ! Merci beaucoup pour l’interview.
Charles : À bientôt, et merci pour ces questions !
Chronique
Avec Ultimate Ninja Storm 2 : Full Zguen, Joe La Truite signe un concept-album aussi barré que cohérent, où punk, métal et psychédélisme s’entrelacent dans un univers narratif inspiré des jeux vidéo. Pensé comme une aventure intergalactique, l’album suit un ninja lancé à la poursuite d’un super-héros disparu, traversant planètes, boss et rebondissements scénaristiques dans un grand délire sonore. Derrière l’absurde, le trio maîtrise parfaitement ses ambiances : riffs acérés, rythmiques explosives, voix multiples, ruptures de ton et textures fouillées. L’univers est visuel jusque dans les arrangements, chaque morceau évoquant un décor, un niveau, une situation. Si le disque peut dérouter à la première écoute, il prend tout son sens dans sa globalité : ici, on entre pour l’aventure et on reste pour le Zguen, cette énergie brute et communicative que le groupe revendique comme moteur. Une proposition audacieuse et jubilatoire, qui assume ses influences sans jamais s’y enfermer.
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