Vecteur Magazine

HIMMELKRAFT - UNE ÉVASION SONORE

Par Christophe Pinheiro

HIMMELKRAFT est le projet solo de Tony KAKKO, leader de SONATA ARCTICA. Un projet de longue date qui laisse encore une fois ressortir tout le talent de son leader. Laissez-vous emporter par ce voyage hors du temps.

Nous ne sommes pas ici pour parler de SONATA ARCTICA, mais de ton projet musical parallèle, HIMMELKRAFT. Peux-tu me parler de ce nouveau groupe et de son histoire ? Je crois que ce n’est pas un groupe très récent. Non ? 

 

C’est vrai. Initialement, j’ai proposé le nom du groupe vers 1999 ou 2000. Nous étions au festival Tuska à Helsinki. Et Rammstein était là et on a commencé à plaisanter sur un mot d’une chanson, comme une sorte de truc humoristique. Et j’ai fait ressortir ça sous le nom de HIMMELKRAFT. Je me suis dit : « Peut-être qu’un jour, nous sortirons quelque chose ». Et maintenant, nous en sommes là. Au fil des années, HIMMELKRAFT n’a jamais vraiment quitté mon esprit. De temps en temps, je pensais à une chanson qui pourrait être une chanson de HIMMELKRAFT, qui lancerait le projet. Mais à chaque fois, SONATA ARCTICA réussissait d’une manière ou d’une autre à voler cette chanson en finissant sur un de ses albums. HIMMELKRAFT est passé d’un style à un autre dans mon esprit pendant très, très longtemps jusqu’en 2015 ou 2016, à peu près. À l’époque où j’ai écrit la première chanson qui a fini sur l’album, “Full Steam Ahead”, je savais que ce ne serait pas sur un album de SONATA ARCTICA. C’était sûr à 100 %. Et j’ai commencé à construire tout le concept et l’idée autour de cette chanson. L’idée est que HIMMELKRAFT est une nation qui vit en sous-sol, et qui fonctionne en quelque sorte comme un coffre-fort de l’humanité au cas où la race humaine s’effacerait de la surface de la terre. Et ils sont tous dans l’étymologie de l’histoire. HIMMELKRAFT a commencé en 1918, 1919, à l’époque où la première guerre mondiale était sur le point de se terminer. Et ils ont réalisé qu’un jour, l’homme créerait des armes qui détruirait tout. Et ils ont commencé à rassembler des gens partageant les mêmes idées, des scientifiques et d’autres choses pour former cette nation et creuser sous terre et être à l’abri de la folie qui se produit à la surface de cette planète. Et maintenant, je pense que c’était probablement une décision très intelligente. 

 

Dans HIMMELKRAFT, tu t’es entouré de gens qui ne sont pas inconnus de tes fans. Peux-tu parler de ces musiciens ? 

 

Oui, bien-sûr. C’était très facile pour moi de demander à Pasi KAUPPINEN, le bassiste de SONATA ARCTICA de rejoindre le projet musical. Il a un studio, tout d’abord, et puis ça a une certaine synergie. Et puis, le frère de Pasi, Timo joue aussi de la guitare dans SILENT VOICES, comme Pasi. Timo a travaillé avec nous et j’ai appris à le connaître quand il était notre technicien guitare pour SONATA ARCTICA. Donc je le connaissais, et c’est un type génial. C’était facile de lui demander de rejoindre le groupe et parce qu’il a un style un peu différent. Il aime travailler avec des sons bizarres, beaucoup de pédales différentes… Et puis, Jere LAHTI le batteur, lui, comme par magie, a aussi travaillé avec SONATA ARCTICA en tant que technicien de batterie. Et bien sûr, je l’ai entendu jouer sur des effets sonores et j’ai aimé son groove, sa façon de jouer. Je voulais avoir ce gars sur l’album. Je ne voulais aucun sample de batterie. Que de la vraie batterie. Et c’était très facile d’avoir ces amis. dans ce projet. Je suis très heureux qu’ils soient disponibles, aussi.

 

Cet album éponyme est un mélange de magie musicale avec une forte personnalité et des influences diverses. Avant de le composer, avais-tu une idée précise de la façon dont il allait sonner ? 

 

En quelque sorte. J’ai fait les démos comme elles étaient censées être. Et ce qu’il y avait de magique chez Timo, le guitariste. J’avais utilisé ces effets bizarres sur mes guitares et il les a copiés avec de vraies pédales. Il était ravi, il disait “Oh mon dieu, je peux enfin utiliser toutes ces choses bizarres que j’ai achetées toutes ces années”. Et il s’est éclaté. Je me suis dit quand j’ai entendu l’album préenregistré, que ça sonnait exactement comme ma démo, mais joué, évidemment, avec une vraie guitare.

 

Dans les thèmes abordés, pouvons-nous dire que le mot évasion est celui qui définit le mieux cet album ? 

 

C’est ça, c’est le mot vraiment parce que ces gens se cachent en quelque sorte de l’humanité. J’essaie donc de m’éloigner de la folie qui règne partout et de simplement observer et survivre sous terre. 

 

Quelles sont vos sources d’inspiration ? 

 

Dans le monde en général, comme dans une perspective plus large, ces chansons ne sont pas comme n’importe quelle autre chanson dans le monde. Elles sont inspirées par les mêmes choses, mais elles sont connectées au monde de HIMMELKRAFT. Bien sûr, il y a des chansons comme “Uranium”, qui explique qu’à l’époque, ils utilisaient du diesel pour créer de l’énergie et pour propulser leurs appareils. Et cela posait certains problèmes de santé. Évidemment, vous pouvez l’utiliser dans l’exploitation minière mais à long terme, ce n’est pas bon pour vous. Donc, quand l’énergie nucléaire est devenue disponible, ils ont immédiatement commencé à chercher de l’uranium et ont ensuite voulu profiter de l’énergie dans ce sens. C’est ainsi que l’uranium est né. Certaines chansons ont été inspirées par la nécessité d’expliquer comment les choses se passent. Elles sont comme des histoires. Comme des blocs essentiels qui forment le monde et comment les choses ont été faites. Et puis il y a des chansons comme des chansons d’amour comme “I Was Made To Rain On Your Parade” qui est une sorte de chanson d’amour à la Roméo et Juliette. Et “Paika”, qui est l’un de mes morceaux préférés de l’album, qui parle d’un père qui donne sa dose quotidienne de nourriture à son ami qui est capable de l’aider à le ramener à la surface pour voir le fils qu’il n’a jamais vu. C’est comme le sacrifice d’un père. 

Vous utilisez des cuivres, de vraies cordes et d’autres instruments pour cet album, ce qui le rend plus organique. As-tu collaboré avec quelqu’un pour ça ? 

 

Il y a le basson, le cor français, la trompette, le violon, le violoncelle et la contrebasse. Ce sont les principaux éléments qui sont présents en plus des instruments du groupe.Puis il y a Johanna KURKELA, qui fait les voix. Ouais. Elle fonctionne presque comme un instrument de musique. C’était une collaboration très agréable une fois de plus et avec un vieil ami aussi, JP LEPPÄLUOTO. Je savais que j’avais besoin d’avoir quelque chose de plus profond que ma propre voix. Et lui, il a une voix profonde. C’est merveilleux. Il voulait aussi rejoindre le projet et lui donner son empreinte. C’est juste incroyable. 

 

J’aimerais que tu me parles de mon titre préféré sur cet album qui est “Gorya”. Comment ce titre est-il né ? 

 

Merci beaucoup. “Gorya”, c’est un mot qui signifie tristesse. Je ne sais pas quand je l’ai écrite, vers 2005 ou quelque chose comme ça, mais elle n’a jamais fini sur aucun des trucs de SONATA ARCTICA. Et ce titre,  je l’ai oubliée jusqu’à ce que je le déterre enfin. Et l’histoire de la chanson parle d’une personne qui vit sous terre et qui veut aller voir la ville, la cité où il a grandi étant enfant. Il y va et voit la ville dans un état de désespoir. Comme une épave. Les murs sont gris et la peinture s’écaille, il n’y a plus beaucoup de gens qui y vivent. Ce qui lui invoque de la tristesse, parce que tous les souvenirs sont là même si ça diminue avec le temps. Les gens peuvent évidemment comprendre les paroles de n’importe quelle chanson à leur manière, mais c’est juste comme ça que ça a fonctionné et c’est ce qui m’a inspiré. Je voulais raconter ce genre d’histoire, mais bien sûr, cela peut être en fonction de nos propres expériences et de ce que nous sommes en tant qu’être humain. C’est la même chose pour n’importe quelle parole de n’importe quelle chanson dans le monde. Ne laissez jamais personne vous dire de quoi parle vraiment la chanson, car vous pouvez simplement vous faire votre propre opinion à ce sujet et y donner votre propre sens. Et c’est ce qui est beau avec la musique. 

 

Aurons-nous la chance de voir HIMMELKRAFT sur scène ou ce n’est pas un projet ? 

 

Certainement pas avec le premier album, non. C’est beaucoup trop tôt. Mais, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, à mes amis et à tous ceux qui me l’ont demandé, HIMMELKRAFT ne sera pas un groupe de tournée, jamais. Sauf si vous le mettez à une affiche de festival, ce sera probablement à ce moment-là que HIMMELKRAFT se produira. Je ne mets donc pas d’œufs dans ce panier, pour ainsi dire. Je ne suis pas vraiment impatient et je ne vise pas cela. Si cela se produit, ce sera naturellement. Je n’ai pas besoin d’un autre groupe de tournée. Si un jour le groupe fait des concerts, il faut que ce soit quelque chose de grand. Si ça arrive, ce sera fantastique. Si ça n’arrive pas, ce sera fantastique aussi. Je suis très heureux de garder HIMMELKRAFT comme groupe de studio. Un projet underground caché me va bien. 

 

Je suis intrigué par la façon dont ce projet extraordinaire va se développer. Est-ce que HIMMELKRAFT est là pour durer ? 

 

J’espère que oui. Sous une forme ou une autre. En tout cas, j’ai bien plus qu’un album complet de prêt pour HIMMELKRAFT. Ce ne sont que des paroles qui nécessitent un peu de développement. Mais de toute façon, il y a beaucoup de matériel qui attends avec impatience. Et je vais créer un album de HIMMELKRAFT, et j’espère avoir la chance d’aller en studio et de l’enregistrer. Mais je pense de manière très positive et je suis sûr qu’il y aura un deuxième et j’espère un troisième album. C’est un passe-temps après tout. Les passe-temps peuvent vous coûter de l’argent. Cela n’a pas d’importance. Certaines personnes achètent des voitures chères. Je ne le fais pas. Mais c’est un moyen sain de s’exprimer. En tant qu’auteur-compositeur, j’ai aussi quelque chose qui me permet de faire quelque chose de différent de mon projet principal, qui est Sonata Arctica. J’ai tellement d’idées qui existent ou qui sont coincées dans un coin de ma tête, et je n’ai pas réussi à les concrétiser correctement. Il faut laisser les idées couler et concrétiser ces choses folles. Il faut présenter les chansons comme je pense qu’elles doivent être présentées au lieu de transformer une belle ballade ou autre chose en un morceau de power metal. C’est ce que j’ai fait tant de fois dans le passé, et je ne veux plus faire ça. C’est comme une institution de santé mentale pour moi. De manière positive, où je guéris. Et je travaille sur ces choses liées à HIMMELKRAFT, y compris cette interview. 

 

Dans quelles conditions recommandes-tu d’écouter cet album ? 

 

Je dirais être seul dans le noir. Avec des petites lumières qui permettent de lire les histoires. sur le livret du disque. Mais idéalement, ce serait génial si les gens pouvaient s’immerger dans le monde de HIMMELKRAFT. Parce que les chansons s’ouvrent tellement mieux quand on a toute l’histoire. Donc je pense qu’il faut se mettre dans sa propre grotte privée avec une petite lumière. 

 

Le dernier mot est pour toi.

 

Eh bien, j’espère que vous jetterai une oreille à HIMMELKRAFT. Il est sorti en format physique, mais aussi sur les services de streaming. J’espère que vous l’aimerez et j’espère vous voir quelque part en live avec SONATA ARCTICA  à ce stade, peut-être avec HIMMELKRAFT plus tard.