Il y a des journées qui restent à tout jamais gravées dans vos mémoires, et celle que je viens de vivre en fait partie. Je vous propose de me suivre dans cette journée à Rennes où j’arrive sous un beau soleil à la salle Antipode. Il est 15h30 et j’ai un rendez-vous avec le groupe DECAPITATED pour un Meet & Greet que j’attends avec impatience, car il s’agit tout simplement de mon groupe préféré depuis une vingtaine d’années. Avec mon ami et collègue de Vecteur, on aperçoit un monsieur fort aimable, travaillant vraisemblablement pour l’établissement, qui s’empresse de m’aider à trouver l’entrée des lieux. Impatiente, une fois à l’intérieur, je le veux ce moment… Je sympathise avec les deux gars présents, eux aussi pour cette session VIP (que je salue au passage). Extase pour moi lorsqu’on vient nous chercher pour aller à la rencontre du groupe qui est en plein soundcheck. Les portes s’ouvrent sur une belle salle avec des parements en bois aux murs et une excellente acoustique. Souriants, les membres du groupe nous saluent tout en continuant la préparation du show de ce soir. Ils joueront trois titres qui me scotchent complètement. L’ingénieur du son nous fera tous rire avec un surprenant stage dive. Vogg (aka Mighty Sir Vogg) sera le premier à descendre de scène en s’adressant à nous : « Je sais qui vous êtes, inutile de vous présenter (rires) » suivi du voice coach, Rasta (aka Rafal), de la drum beast, James, et du revenant Pawel. Moments d’échanges, de blagues, de fous rires… Un pur moment de magie pour moi. Il m’est impossible de tout vous raconter, seule le vécu des Meet & Greet traduit cette expérience exceptionnelle. Je vous le conseille vivement. Et puis, ne m’en veuillez pas de garder le reste pour moi…
20h, l’ouverture des portes se fait pile à l’heure. Ce grand bâtiment en pierre granit se garde bien du froid, l’accueil est chaleureux et très bien organisé.
Rennes est présent !
Ce soir nous serons honorés des performances de quatre groupes, la Nihility Europe Tour 2024 comprend KASSOGTHA, NERVOSA, INCANTATION et les Seigneurs DECAPITATED.
Les hostilités sont prévues pour démarrer à 20h30 et je sens que le public présent a hâte que les premiers riffs caverneux débutent…
Quelle belle découverte. Le groupe de prog death mélo suisse va mettre le feu dès “The Infinite”. Stephany arrive et nous enchante telle une sirène avec ce magnifique bleu sur ses cheveux. Le growling de cette prof de chant ne fait qu’une bouchée du micro et Mortimer renforce la densité avec des cordes vocales sombres et gutturales. À tel point que je me demande s’il n’est pas un maître des ténèbres. Le duo de chant fonctionne à merveille sur ce death growl. “Drown” et “Venom” m’achèvent avec une intensité nuancée de passages rythmés entre chant saturé et chant clair, avec des touches presque « doomesques ». À nous éclater les cervicales.
Il nous joueront le nouveau titre, “Rise”, sorti en février dernier. Les nouvelles compos prennent vie.
Le jeu de solos alternés entre Mortimer et Martin sont complétés de riffs sauvages et d’une rythmique lourde, en passant par de fracassants breakdowns dont je me délecte.
J’ai cru à un moment de répit avec de douces notes de guitare, mais Dylan, à la batterie, va nous mettre une véritable raclée sur “Complacency”. Impitoyable avec sa batterie, il s’avère être un excellent performer. Mon pauvre cœur est soumis à rude épreuve.
Cinq titres et une hôte qui va incessamment embarquer le public avec elle. Pour ceux qui, comme moi,
comme moi, découvrent KASSOGTHA sur scène ce soir, le bonheur est total. L’album ‘rEvolve’ et son voyage « pour vaincre le doute de soi » est représenté dans toute sa splendeur. Hâte de les revoir.
setlist
THE INFINITE
DROWN
VENOM
RISE
COMPLACENCY
lineup
STEPHANY HUGNIN
MORTIMER BAUD
DYLAN WATSON
MARTIN BURGER
Sur scène, ça ne traîne pas. Avec une rapidité impressionnante et solidaire (d’ailleurs, on remarquera l’entraide entre les groupes tout au long de la soirée), le matériel est vite remplacé. 21h15, Gabriela, nouvelle arrivée dans le groupe, sublime dans sa robe noire, prend place derrière la batterie. Sous un jeu de lumière rouge vif qui s’abat sur elle, l’intro retentit. Le death aux touches thrash metal fait rage dès l’entame de “Seed of Death”. La salle devient hystérique lorsque Helena, Prika et Emmelie arrivent sur scène. Les premiers riffs embrasent une salle qui était prête à en découdre. Les Rennais sont de véritables « tueurs », un public incroyablement fou.
Le groupe brésilien ne nous donnera aucun répit. Des reines sur scène. Je suis subjuguée par cette force de la nature qu’est Helena, vêtue d’un débardeur affichant un grand « Fuck Off », j’adore.
Prika domine lors du refrain « Death ! Death ! Death ! » chanté à l’unisson, c’est l’enivrement dans le public. Les quatre musiciennes ont pris possession de la salle qui transpire la frénésie totale…
Puis-je reprendre mon souffle ? Évidemment que non, à la place le puissant “Venomous”. Les chaînes sont totalement brisées avec « just scream out louder » de “Kill The Silence”. Excellente maîtrise technique d’un groupe qui
nous offre un set de dingue, j’en ai encore des frissons en écrivant ses mots. Prika partagera quelques mots pour nous encourager à ne jamais nous priver de notre liberté d’expression. Emmelie headbange sans cesse en nous faisant rêver avec son jeu de cordes, je me demande bien comment ses cervicales restent intactes…
Les notes de “Endless Ambition” retentissent, je sais que c’est le dernier titre, et je profite de chaque seconde. Helena rencontre quelques soucis techniques avec le son, mais cela n’enlève en rien la magie du concert de NERVOSA ; ce sont les aléas du live.
Un set de huit titres pendant lesquels je me suis demandé si j’arriverais à suivre la cadence. Une setlist équilibrée entre les deux derniers albums, ‘Downfall of Mankind’ et ‘Jailbreak’.
setlist
SEED OF DEATH
DEATH
VENOMOUS
KILL THE SILENCE
PERPETUAL CHAOS
JAILBREAK
GUIDED BY EVIL
ENDLESS AMBITION
lineup
PRIKA AMARAL
HELENA KOTINA
EMMELIE HERWEG
GABRIELA ABUD
22h… Serait-ce les portails de l’Enfer plus accessibles qu’on ne le pense ? La légende dit vrai. Sous un jeu de lumière rouge sang, une voix ténébreuse accompagne les « êtres » qui arrivent sur scène… L’incantation de “Essence Ablaze” est proférée et le « festin » de nos âmes commence… John nous fait comprendre qu’il est assoiffé et qu’il n’y a pas d’échappatoire possible. Que c’est bon d’être sous le charme du pur death metal des vétérans américains qui mettront toute la salle en extase. Sans pénitence, “Concordat” s’empare des fans près de moi, et j’entends des cris « HAIL LE DEATH METAL !!! ». Je suis juste devant Julian, qui accompagne le groupe en tournée en ce moment, un monstre de la basse, je suis scotchée. La potion incantatoire est dense à souhait, des riffs viscéraux de Luke et John à l’obscurité de la basse de Julian, en passant par le chant doomesque et guttural de John ainsi que l’acharnement de Charlie sur sa batterie. Je peux voir la peau des caisses de batterie de ce dernier trembler sur la puissance des coups, je crains la déchirure. Je « bois » chaque goutte de cette incroyable potion venimeuse…
Je me dis que je peux tenter de trouver une échappatoire, naïve je suis, le jugement me tombe dessus pendant “Vanquish in Vengeance”.
Privés de salut, nous le serons lors de “Unholy”. Tel un exorcisme “Impeding Diabolical Conquest” fera notre corps se tordre jusqu’à ce qu’on ait tout expié… Quoi que… Malgré la sortie de leur dernier album, ’Unholy Deification’ l’année dernière, c’est l’ensemble de leur discographie qui est mise en avant, honorant ainsi les fans qui les accompagnent depuis 1992.
Je croise John plus tard au merch et je lui fais part de mon ressenti sur cette atmosphère si lourde et goûteuse. C’est un gars incroyable et adorable qui me répond : « Si t’as ressenti tout ça c’est que mon but est atteint (rires). »
setlist
ESSENCE ABLAZE
SHADOWS OF THE ANCIENT EMPIRE
CONCORDAT (THE PACT) I
VANQUISH IN VENGEANCE
FURY’S MANIFESTO
UNHOLY
BLISSFUL BLOODSHOWER
INVOCATION (CHTHONIC MERGE) X
THE IBEX MOON
IMPENDING DIABOLICAL CONQUEST
lineup
JOHN MCENTEE
LUKE SHIVELY
CHARLIE KORYN
JULIAN GUILLEN
DECAPITATED
22h59, mon cœur s’emballe dès que j’aperçois James s’installer derrière la batterie et que l’intro pleine de distorsion de “Perfect Dehumanization” retentit. Le groupe polonais représente tellement pour moi, l’excellence et la maitrise technique dont ils ont fait preuve depuis leur premières démos, ‘Cemeteral Gardens’ en 1997 et ‘The Eye of Horus’ en 1998, alors agés entre douze et seize ans (d’ailleurs, saviez-vous que leur premier nom était DECAPITATED SAINTS ?), toutes les épreuves surmontées, les moments d’incertitude et de survie avec lesquels le groupe devait composer… Chaque registre sorti était plus majestueux que le précédent. Sir Vogg n’a jamais baissé les bras, et depuis l’arrivée du tentaculaire Rasta en 2009, le groupe maintient le cap dans la lignée de l’excellence et l’élite du tech death. Mais pas que… Le groupe a fait preuve de diversité en groovant entre death, thrash, black et de l’atmosphérique.
Ce mélange d’agressivité implacable, de prouesses « riffiques », en passant par des solos majestueux, de celui qui, pour moi, est le meilleur guitariste au monde. Il compose avec l’impressionnant chant guttural du monstre Rasta, la basse du revenant Pawel et la férocité de frappe de James qui accompagnent à merveille le déchiquetage sonore que le groupe offrira tout au long du set.
Les fans sont possédés. Dès le début, les hostilités démarrent avec du stage dive, du crowd surf, des wall of death, un circle pit de dingue, je remarquerai même le survol de gobelets de bière (vides) vers la scène. Le groupe est aux anges et nous aussi. Un peu plus tard Vogg nous dira : « C’est notre, votre soirée. Vous êtes déchaînés, limite vous cassez notre matériel, mais on s’en fout. »
Revenons au set, James est magistral. Le bonheur de le voir intégrer le groupe en 2019, sa technicité brutale et sauvage me fait me questionner s’il n’a vraiment que deux bras… Après un “Eternity Too Short”, place à l’incontestable “Mother War”… La salle devient une war zone et Vogg continue de nous assommer de ses riffs accompagnés de brillants lead breaks.
Nous sommes là pour célébrer un des meilleurs albums de death metal de l’histoire, ‘Nihility’ (rappelons nous, à l’époque Vitek était encore parmi nous…) qui vient de souffler ses 22 bougies. La tension est à son comble. Quelle putain de soirée ! Je me demande si je suis à la hauteur en tant que véritable fan, et à ce moment précis Vogg me fait un gros sourire et me fait signe genre « bah te voilà enfin ! ». Quels mots pour décrire ce moment frissonnant ?
J’ai cru que le public rennais nous avait tout donné, mais lorsque les notes du chef-d’œuvre ”Spheres of
Le carnage auditif continue et mes oreilles vibrent avec l’étourdissant “Symmetry of Zero”, suivi de la touche speed de “Suffer the Children”.
Une fois l’album célébré, le moment est venu de partager avec nous des morceaux cultes de leurs deux derniers albums ‘Cancer Culture’ (sorti en 2023) et ‘Anticult’ (2017). Dès les notes de l’”Intro (From Nothingness With Love)”, on comprend que ‘Cancer Culture’ pointera son nez, et nous le méritons bien. À la fin du titre, Rasta prend le temps de nous faire part du sentiment sur le moment présent en étant celui de créer d’incroyables souvenirs et en enchaînant sur “Earth Scar”. Pas de temps mort sur la fin de “Never”, où Rasta nous dit qu’il nous trouve incroyables et l’adrénaline monte d’un cran lorsqu’on entend les notes du breakdown du titre “Instinct” et le refrain « Fuck for money ! Fuck for name ! » (Ce n’était pas dans la setlist, mais je l’avais entendu lors du soundcheck).
Vogg prendra la parole pour demander comment se prononce le nom de la ville et en sortant un « Rennes, what the Hell Rennes ? » Il nous dira qu’on lui a fait se souvenir d’un moment avec GOJIRA, amis de longue date, lors des mosh pits de cette soirée. Il leur dédiera le titre “Iconoclast” (titre en featuring avec le Général aka Master Robb Flynn, qu’on n’a pas forcément besoin de présenter. Mais pour les novices, c’est le leader de mon deuxième groupe préféré, MACHINE HEAD, dont Vogg faisait également partie jusqu’à son annonce récente de vouloir se consacrer entièrement à DECAPITATED). Sentiments mitigés, mais je suis heureuse malgré tout, car je vois un avenir plus long pour le groupe qui a, enfin, la reconnaissance tant méritée. Le meilleur est à venir, j’en suis sûre.
“Last Supper” annonce la fin, mon cœur se serre lors du solo de ce dernier, mais il est 0h18, le temps d’un repos bien mérité est arrivé et il faut être en forme pour éblouir d’autres villes et un autre public lors des prochaines dates. Puis entre onze registres, incluant démos, EP et les sept albums studio, les fans comme moi attendons la suite avec impatience.
Mention pour la crew ingénieur son & lumières qui ont rendu le set encore plus incroyable.
Toulouse, c’est à vous, je peux vous assurer que vous ne voudriez pas manquer ça !
setlist
PERFECT DEHUMANIZATION
ETERNITY TOO SHORT
MOTHER WAR
NIHILITY
NAMES
SPHERES OF MADNESS
BABYLON PRIDE
SYMMETRY OF ZERO
SUFFER THE CHILDREN (Napalm Death cover)
INTRO (FROM NOTHINGNESS WITH LOVE)
CANCER CULTURE
EARTH SCAR
NEVER + INSTINCT (breakdown)
ICONOCLAST
LAST SUPPER
lineup
WACLAW KIELTYKA
RAFAL PIOTROWSKI
JAMES STEWART
PAWEL PASEK
Je termine en remerciant les groupes qui, et nous le savons bien, malgré la fatigue générée par les tournées, nous ont comblés de performances inoubliables, bourrées de saveurs brutales et énergisantes, de générosité, d’échanges, tant sur scène comme en dehors. Mais également à cette salle qui apporte un rendu sonore digne d’un bon concert de metal, une ambiance qui enflammait la passion pour le death metal, au personnel de l’Antipode, l’organisation et l’amabilité étaient au-delà de mes attentes, à Vecteur Magazine pour tout, à Garmonbozia pour le lineup de dingue sur cette tournée, et aussi pour l’accréditation. Et bien sûr, je reviens à mes Number One, Vogg, Rasta, James et Pawel, un grand Merci du Fond du Coeur ! La vie est trop courte, mais vous faites en sorte qu’elle soit plus belle. Merci.