Vecteur Magazine

DARCY - LE POING EN L’AIR

Par Christophe Pinheiro 

Photos : Mathieu Ezan

Deux jours avant de démarrer la « Tournée du Coeur », j’ai eu l’occasion d’échanger quelques mots avec Irvin, chanteur du groupe DARCY. « Tout est à Nous », le troisième album du groupe est sorti au mois d’octobre dernier. C’est toujours avec autant de rage et de conviction que le groupe affirme ses positions.

« Tout est à Nous », votre troisième album est sorti le 18 octobre dernier. Quels sont les retours que vous avez eu ? 

Pour l’instant, le public est super content, on nous dit que le son est encore plus massif que le deuxième album, mais on a aussi de supers retours sur la pochette qui à l’air de bien marquer les esprits. Et on entend aussi beaucoup le public dire qu’ils ont vraiment hâte de le découvrir sur scène, donc ça arrive dans vraiment pas très longtemps maintenant. 

« Machines de Guerre » est sorti en février 2022, il y a eu des concerts pour le défendre et aujourd’hui sort le nouvel album, vous n’avez pas chômé. Quelle est la genèse de cet album ? 

Celui-ci a été composé un peu dans le même esprit que « Machines de Guerre ». Chacun chez soi, en mode home-studio. J’ai l’impression que c’est la manière de faire de la majorité des groupes aujourd’hui. C’est-à-dire que le guitariste ou le bassiste, va composer des riffs de guitares dans son bureau ou dans sa chambre et il va nous les envoyer. Et ensuite on va les travailler à distance. Une fois qu’on valide et qu’un morceau a un bon départ, on se voit ensuite en salle de répétition pour peaufiner. 

Et vous l’avez composé en combien de temps ? 

Cet album, je dirais en un an, en général c’est un an. Ensuite, il faut quelques mois pour l’enregistrer et ensuite le mixage et le mastering. Donc je pense qu’on a trouvé notre rythme de croisière maintenant et on va essayer de sortir un album tous les deux ans. 

Pour celui-ci, c’est Fred DUQUESNE qui a travaillé dessus, c’est ça ? 

Il était au mixage, exactement. 

Fred est quelqu’un de très réputé, c’était une volonté de votre part de travailler avec lui ?

Oui, l’idée c’était d’évoluer, on avait vraiment envie de faire évoluer le son. Ça fait trois albums qu’on sort et on a travaillé avec trois personnes différentes au mixage. Pour nous l’évolution c’est primordial, on ne voulait pas rester avec les mêmes sons, avec les mêmes équipes. DARCY évolue déjà dans la composition et on voulait aussi que ça évolue aussi dans la production évidemment. 

Cet album, je le trouve rageur, j’ai l’impression que vous montez d’un cran dans les messages que vous véhiculez. C’est beaucoup plus direct, c’est une intention de votre part où ça se fait naturellement avec tout ce qui se passe autour de nous. 

En fait c’est ça, je pense qu’on a pas le choix. C’est l’environnement ambiant, c’est la période qu’on vit socialement, politiquement, qui nous oblige à être de plus en plus durs. On a vécu un délit de démocratie assez évident cette année, on a l’impression que ça ne suffit plus d’être poli aujourd’hui, dans notre société. Donc on y va un petit peu plus directement, on va dire. 

Dans le titre « Ce soir ça va chier », tu scandes « Gloire aux émeutiers ». Ces mots ne t’attirent pas de problème ou de critique quelconque ? 

Non, on ne m’a pas repris là-dessus. Après on peut le prendre à plusieurs degrés, mais encore une fois quand on manifeste calmement dans la rue, on ne se fait pas entendre. Quand on manifeste de manière un peu plus démesuré dans la rue comme les gilets jaunes, ils ne se font pas entendre non plus. Et quand on vote de manière démocratique, on ne se fait pas entendre non plus. Donc au final, je dis « Gloire aux émeutiers », au moins ils essayent d’aller au-dessus. On essaye de se faire entendre et il n’y a rien qui change. 

Quand j’entends DARCY, je pense à zéro compromis. C’est vraiment l’impression que j’ai avec vos paroles. Beaucoup d’artistes, peu importe le genre, vont pointer du doigt différents problèmes avec plus ou moins de mesure. Avec vous, non, c’est direct.

Oui, c’est le but. On a été bercés par les BERURIER NOIR qui eux, n’avaient pas de discours très polissé. On dit que plus on grandit, plus il faut être cool. Non, on va plutôt être de l’équipe des FRÈRES MISÈRE qui sont de retour, d’ailleurs. On se sent plus touchés par cette vague de punk des débuts qui n’allait pas avec le dos de la cuillère. Parce qu’encore une fois, aujourd’hui, on a l’impression qu’on ne se fait pas entendre. Si tu tapes du bout du doigt à l’épaule d’un politique, on dirait que ça ne suffit plus. Maintenant on dirait qu’il faut utiliser un marteau, ça devient incroyable, je crois qu’on a plus de choix en fait. 

Les casseroles, non plus, n’ont pas marché pour se faire entendre… 

Non plus, clairement… 

Le titre « Rien à Perdre » est un putain d’hymne. Je le compare un peu au titre « La Solution » dans « Machines de Guerre ». C’est un hommage à tous ces groupes comme les « Bérus » ?

Exactement, tu vois, je parle d’eux dans le morceau, je les cite dans le morceau, je cite également les FRÈRES MISÈRE. C’est vraiment un hommage à tous ces premiers groupes de punk français qui faisaient des hymnes avec des « La la la » ou des mélodies faciles à chanter. Nous, on voulait leur rendre hommage, parce que quand on les met dans le camion, sur la route pour aller à nos concerts, on a toujours les poils. Alors que ça fait, peut-être 150 fois qu’on écoute les mêmes titres. Et ça fonctionne toujours autant. Mais le pire, c’est que c’est toujours autant d’actualité. 

Un mot sur l’artwork, je le trouve super. Je crois qu’il y a pas mal de significations derrière. 

Oui carrément, il a été réalisé par l’illustrateur breton Pierre BUDET, qui a tendance à faire des dessins assez engagés, assez politiques, assez sociétaux, et il a vraiment compris notre envie derrière ce titre. Moi je voulais vraiment qu’il y ait une femme sur la pochette, parce que c’est aussi un hommage à ma mère, qui se baladait dans les manifestations dans les années 70-80, et qui scandait cette phrase « Tout est à nous, rien n’est à eux. Tout ce qu’ils ont, ils nous l’ont volé ». C’est une belle référence à la lutte des années 70-80. 

Je vais parler de l’interlude, parce que je suis agréablement surpris, ça me fait penser à du NINE INCH NAILS.

Ah bah il sera très content, c’est Kevin ROUSSEAU qui a composé cette interlude. Il n’est pas membre de DARCY. C’est un ami à nous qui joue dans le groupe Rennais, Les 3 FROMAGES. Et justement la commande c’était un peu ça, c’était de faire un truc assez « ambiant » comme sait le faire NINE INCH NAILS depuis une dizaine, voir une quinzaine d’années. Et il a très bien répondu à la commande. Mais on est tous les deux très fans de NINE INCH NAILS, donc ça fonctionne très bien. 

Ça me fait penser un peu à l’époque de « The Fragile ». 

Exactement.

La « Tournée du Coeur » démarre dans deux jours. Vous partez pour 14 dates avec TAGADA JONES et RAVAGE CLUB. Ce sont des concerts en partenariat et au profit des « Restos du Coeur », un mot sur cette tournée ? 

C’était l’occasion de joindre enfin l’acte à la parole, c’est-à-dire que juste avoir le poing en l’air pendant les concerts ou sur disque et gueuler que tout va mal, c’est bien, parce que ça peut donner envie au public de réagir, de s’engager auprès d’associations… d’aller voter… Mais là, de joindre l’acte à la parole, de donner 50% des bénéfices au « Restos du Coeur », ça fait sens. Et il n’y avait pas de raisons pour nous de ne pas se joindre à cette tournée, c’était évident. 

Là, vous serez face à un public acquis au style musical. Mais vous avez déjà participé à des concerts avec des affiches plus éclectiques, plus métal… Comment adhère le public à vos prestations ? 

On nous dit souvent que DARCY sur scène, c’est avant tout l’énergie et je pense qu’ils n’ont pas tort. On a tendance à jouer avec tout ce qu’on a d’énergie en nous. On donne 100% de ce qu’on a, à chaque fois qu’on est sur scène. Ce qui fait que même si les gens ne sont pas touchés par notre esthétique musicale, ils vont quand même avoir la curiosité et l’oreille pour venir nous écouter. Et puis il faut dire aussi qu’on a quelques morceaux qui sont un peu metal, d’autres qui sont un peu plus punk et d’autres qui sont un peu plus rock. Donc au final t’as toujours moyen de t’y retrouver sur au moins deux ou trois chansons dans un concert de DARCY. 

J’adore le titre « Plus Rien à Foutre », j’aime aussi tout le reste de l’album, mais celui-là en particulier. Je le trouve vraiment taillé pour la scène. Vous l’avez prévu dans la set-list ?

Et bien c’est un peu notre avis aussi, c’est un de nos morceaux préférés et j’ai l’impression que les plateformes de streaming nous le montrent aussi parce que c’est un des morceaux les plus écoutés de cet album-là, pour ne pas dire le plus écouté. Et on a décidé de taper très fort en montant sur scène avec ce morceau-là, histoire de foutre un gros coup de poing dès le début. 

Du coup vous avez prévu les vitamines pour la tournée ? 

Tu ne crois pas si bien dire. On prend un petit peu de potions de sportifs avec un peu de taurine, pour tenir le set. Parce qu’effectivement quand on commence un set de 50 minutes sur ce morceau-là, en général ça grille déjà quelques cartouches.

Dans quelle condition recommandes-tu l’écoute de votre album ? 

J’ai la sensation que c’est quand même un album qui s’écoute très bien en voiture, pour l’avoir écouté plusieurs fois après le mixage et le mastering. Il a tendance à vraiment attirer l’attention,  mais tout en restant focalisé sur la route, évidemment. Mais aussi dans les transports, moi je l’ai écouté au casque dans le bus, dans le métro, et aussi en me baladant dans la rue. Je pense que c’est un album qui s’écoute en mouvement. Tu auras du mal à l’écouter en restant assis sur ton canapé. Mais dès lors que tu marches, tu roule ou que tu es dans un bus, il s’écoute très bien.

Qu’est-ce qu’on trouve dans ta playlist ? 

Dans ma playlist, en ce moment, j’écoute beaucoup un groupe américain qui s’appelle RISE AGAINST., C’est un groupe de punk américain qui est en tournée mondiale en ce moment. J’aime beaucoup l’énergie qu’ils ont tout en mélangeant la mélodie à une voix très bien posée avec des mélodies très accrocheuses. Et un discours assez engagé. Forcément, ça se rapproche un peu de l’esthétique de ce que DARCY a envie de proposer. Et j’écoute beaucoup un groupe américain qui s’appelle FEVER 333, qui mélange un peu du rap, du rock, du groove, et je trouve que c’est plein de fraîcheur, ça marche super bien, je n’arrive pas à m’en passer. C’est quelque chose que j’écoute beaucoup. 

Le mot de la fin est pour toi.

Ne lâchez rien, continuez de suivre les médias qui font vivre la musique qu’on aime, parce qu’on ne passe pas forcément dans les grands médias mainstream, malheureusement, face aux musiques urbaines etc. Heureusement, qu’il y a encore des médias comme Vecteur qui se battent pour les musiques rock, punk et metal. Donc merci aux lecteurs de continuer à lire les interviews des artistes qui se bougent partout en France.

PLUS D'INFORMATIONS

  • Artiste : DARCY
  • Album : Tout est à nous
  • Label : At(h)ome
  • Date de sortie : 18 octobre 2024