Vecteur Magazine

A CHAPTER CALLED ALEXI LAIHO

Ce lundi 4 janvier 2020, nous apprenons le décès de l’emblématique chanteur et guitariste de Children Of Bodom : Alexi Laiho. 41 années de passion, de tournées, d’albums et de souvenirs, dont le dernier passage du groupe au Hellfest en 2018.

Voici le dernier de ces souvenirs, raconté par notre rédactrice Samm, qui était en Finlande il y a maintenant un peu plus d’un an.

Toute l’équipe de rédaction de Vecteur Magazine adresse son soutien à sa famille et ses amis.

Le 1er novembre 2019, Children of Bodom annonçait abruptement la fin de son histoire avec en point d’orgue, un ultime concert le 15 décembre 2019 à Helsinki. L’interview de Alexi Laiho en février à l’occasion de la sortie du nouvel opus Hexed me donnait toutes les bonnes raisons de penser que Children of Bodom avait retrouvé les chemins de la créativité. Alors les questionnements et l’incrédulité ont laissé la place à l’urgence d’être présente pour ce dernier rendez-vous. L’ombre menaçante de la faucheuse aux couleurs de Hexed en backdrop ne semble pas perturber les membres du groupe qui prennent place, Jaska Raatikainen souriant et Alexi haranguant le public, tout parait normal. Alexi s’adresse à la salle pleine en finnois pour remercier les fans de leur support et leur fidélité. Sans transition le titre trailer de la tournée, « Under Grass and Clover », et le très mélodique « Platitudes and Barren Words » débutent logiquement le concert. Alexi a sa voix des bons jours avec même des modulations inattendues et la balance est parfaite. De très jeunes adorateurs sont tassés au premier rang et beaucoup d’entre eux découvrent Children of Bodom pour la première fois.

Les sirènes hurlantes tiennent la salle en haleine quand le riff de « In Your Face » vient déchirer la nuit. La clameur s’élève aussitôt et les lettres dorées de COB tournoient comme un gyrophare dans la pénombre pendant que Jaska démarre à fond de train, au point qu’Alexi peine à suivre et que le public lui porte secours en s’écriant « Incoming ! ». Ouf ! Pour ce dernier concert le son est définitivement bon. 

Henkka Seppälä ne sort pas de sa réserve habituelle et paraît même vivre ce moment pour lui-même, tout entier concentré dans son jeu. Pour lui, CoB, c’est déjà fini et la tristesse se lit sur son visage. Cette ultime setlist reprend chacun des albums, sans surprise et le décorum accompagne chaque époque. La belle américaine nous fait de l’œil quand débute « Bodom Beach Terror » pendant qu’un circle pit gentillet se dessine devant la scène. On est loin du déferlement d’adrénaline du Hellfest 2018 et pourtant … déjà alors, Janne Wirman semblait déambuler sur scène sans conviction. Alors quand Alexile désigne ce soir « Mrs Janne f*in Wirman ! », il ébauche un faible sourire et déroule un solo à tout casser avec naturel et fluidité … comme toujours … facile ! Mais à cet instant, l’univers bodomien commence à se fissurer et une douleur sourde commence à s’écouler dans mes veines et ne s’arrêtera plus jusqu’à ce jour. Les décors se succèdent et avec eux toutes les vies de Bodom. La guitare d’Alexi pleure sur l’intro de « Everytime I Die », cette variante est magnifique et traduit très bien la gravité contenue du public à cet instant. 

Janne fait rire l’assistance qui retrouve son énergie et scande « Are You Dead Yet » en osmose. Daniel Freyberg ne montre aucune émotion en restant sobre et professionnel, il aura su sans nul doute être un soutien pour tous et trouver sa place avec beaucoup de tact. Il accompagne parfois Henkka sur les chœurs … çà aussi ça va me manquer, de même que les quelques titres jamais entendus en live et que je n’aurai jamais plus l’occasion d’entendre en concert comme « Chokehold » ou « Mask of Sanity ».

 

Les phares allumés, les lumières rouge-sang tournoient au-dessus de la scène. « Blooddrunk !  » crie Alexi, le riff de guitare déferle pendant que Janne sort un instant de sa torpeur et interpelle le public.Tous les albums ne sont pas de la même qualité mais chacun renferme sa petite pépite comme « I Worship Chaos », le public averti ne s’y trompe pas et donne la réplique, galvanisé par un clavier débridé et ce long cri puissant de Alexi qui donne la chair de poule. Aux premières notes de « Angels Don’t Kill », les larmes montent brutalement. Chaque titre évoque une histoire pour chacun et une histoire commune. J’observe les visages, tirés et graves. Pour chacun, la ballade à l’envers met la balafre à découvert. A quelques mètres, Roope Latvala semble totalement absent, titubant et visiblement malheureux pendant qu’Alexi massacre le solo et m’arrache un rire nerveux. Les anges du death metal sont côte à côte pour une partition à quatre mains dont ils ont le secret et mon cœur se brise, c’est fini, c’est bien fini.

Entendu une seule fois en concert au Download 2016, « Follow the Reaper » me remplit de joie et c’est l’occasion rêvée pour une démonstration de technique, ici totalement maitrisée. Janne retrouve le lien avec le public et Jaska se déchaine derrière ses fûts. Puis vient « Deadnight Warrior », le premier titre que j’ai écouté du groupe avec son atmosphère gravée en moi dès le premier jour. L’incontournable « Needled 24/7 » clôt le set tambour battant avant les rappels avec encore des voix très en place bien que Henkka soit moins expressif que jamais. Et puis, ce n’est pas ici que je pourrai l’entendre une dernière fois s’amuser à prononcer quelques mots en français. Puis vont s’enchaîner les grands classiques, on voudrait retenir le temps, un dernier slam et l’émotion monte. 

Mais sur scène rien ne transparait. Imperturbable, Alexi assène « I don’t give a fuck if you hate me ». Le riff diabolique de « Hate Crew Deathroll » transperce le cerveau et la rage de l’enfant sauvage semble de plus en plus patente. Janne vient jeter une baguette au public comme à son habitude mais Alexi ne bronche pas : la fin approche.  « Lake Bodom » déclenche l’état d’urgence : chacun range son désespoir pour profiter de chaque milliseconde maintenant dans un dernier circle pit effréné et quand résonne « Downfall », tout le monde sait que le moment des adieux est venu. Un tout dernier duo des frères virtuoses, Janne passe son bras autour des épaules d’Alexi. Enfin, tous les bras se lèvent au ciel vers le groupe, comme pour les entourer d’affection. 

Le groupe quitte rapidement la scène avec quelques signes de la main mais sans un mot. Tous sauf Jaska qui vient au-devant de nous, en larmes, pour nous dire au revoir, malheureusement en finlandais. Personne autour de moi pour me traduire car tout le monde pleure. Merci à vous, Jaska, Henkka et Yanne pour tout ce que vous m’avez apporté, il m’aura fallu un an pour accepter, un an pour dire adieu à Children of Bodom. 

L’histoire continuera avec Alexi mais ce ne sera plus jamais comme avant, vous me manquerez énormément. 

Thanks to the hate crew being around … it feels so cold … we won’t turn back and die alone … the time has come to close our eyes and say goodbye.

 

Photos et report : © 2020 SAMM

Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe

RIP Alexi

Crédit photo : Terhi Ylimäinen